BLOGUE
Nos enfants dans du papier bulle
Déjà le titre vous fait capoter : mais qui emballe son enfant dans du papier bulle? QUI?!?! Vous serez surpris de savoir que la réponse n’a rien de noir ou blanc : personne et tout le monde à la fois!
La réflexion m’est apparue en apprenant, pour mon plus grand plaisir, qu’il y aurait une suite à ce film chéri de mon enfance… Un Prince à New York (Coming to America). Oui, oui. Frozen n’était pas encore inventé, et j’écoutais des choses appropriées pour mon âge, bien sûr, mais ça arrivait souvent qu’un bon vieux film de TVA venait occuper mon samedi après-midi. La Foire aux malheurs, Couvre-lit à l’américaine, Le Sapin a des boules, Maman, j’ai raté l’avion, j’ai tout écouté ça trop jeune, j’imagine. C’était pareil pour la télé : j’écoutais Lance et compte, Les Machos, La Petite Vie pis Les Filles de Caleb avec mes parents. C’était l’époque où le contenu pour enfants passait à l’heure des enfants : on avait notre plage les matins de fin de semaine pour Vazimolo, pis le soir, c’était l’heure des parents. Fait que si tu voulais écouter quelque chose, tu l’écoutais en famille, que ça fasse l’amour dedans ou pas.
Publicité
Quand j’y pense aujourd’hui, Un Prince à New York, c’est tellement pas un film pour enfants, pis j’avais aucun rapport d’écouter ça. Mais quand même, je me suis passé la réflexion : est-ce qu’on ne serait pas en train d’emballer nos enfants dans du papier bulle en les immunisant contre une bonne partie de la vie? Je ne dis pas d’écouter les nouvelles de 22 h en famille… c’est déjà assez déprimant comme ça et je conçois que les enfants ont le droit de vivre dans un monde où Donald Trump existe pas vraiment. Mais à force de créer du contenu uniquement pour eux, ciblé par groupe d’âge, passé au peigne fin par des spécialistes pour écrémer le scénario des déclencheurs de traumatismes potentiels… est-ce qu’on n’évite pas un peu la vie?
À preuve : nous, parents nostalgiques, on est les premiers à courir acheter en DVD les émissions cultes de notre enfance pour les partager avec notre progéniture. Eh bien attachez votre cache-cernes avec de la broche : j’ai appris hier que les premiers épisodes de Sesame Street sont précédés sur DVD d’un avertissement que le contenu May not be suitable for children. Pourquoi? Parce que Cookie Monster fume la pipe, entre autres délits graves.
CE SONT DES MARIONNETTES.
Une gang de monde étrange qui vit dans une ville en carton et a pour un ami un gros oiseau jaune super smatte. VRAIMENT? Not suitable for children?
Et si nos enfants écoutent La Guerre des Tuques pis ont envie de se faire un bouclier avec nos assiettes de cuisine (remplies du souper qu’on vient de sortir de la mijoteuse, yé)? Et si nos enfants écoutent Maman, j’ai raté l’avion et nous disent qu’ils ne veulent plus nous voir et rester seuls à la maison pour Noël (blâmons Macaulay Culkin, ça a quand même l’air le fun)? Et si notre enfant de sept ans se met à dire « Sexy Chocolat » à son éducatrice après avoir écouté Un Prince à New York?
Hey la la. J’imagine qu’on va devoir avoir une discussion. Lâcher prise. Abandonner le contrôle. Essayer de trouver le « juste milieu » comme si c’était possible. Enlever une couche de papier bulle. Ouf. J’vas le garder pour moi, je pense.