ARTICLE
Rendre nos enfants autonomes et responsables : est-ce possible?
Nos enfants vivent à nos côtés un processus d’humanisation, c’est-à-dire qu’ils cheminent pour devenir des personnes autonomes et responsables, engagées dans leur vie adulte dans des projets en lien avec leurs intérêts et leurs habiletés. Pour devenir autonome et être capable de faire seul, l’enfant intériorise graduellement la présence de l’adulte qui en prend soin. Il construit ainsi son « unité interne », son « identité », comme une présence à soi, une conscience de soi et de sa place en ce monde. Nous accompagnons nos enfants. Que pouvons-nous faire pour favoriser leur évolution ?
Dès le plus jeune âge, favoriser l’autonomie motrice
Il est possible, dès la naissance, d’adopter des attitudes qui encouragent l’autonomie sur le plan moteur. Le jeune enfant a tout ce qu’il faut pour acquérir par lui-même des compétences. Il a ce bagage inné qui, à son rythme propre, se déploie. De la position à plat dos, il apprend par lui-même à se retourner sur le ventre, pour ensuite ramper, marcher à 4 pattes, s’asseoir solidement, se tenir debout avec appui, puis prendre son envol en marchant debout sans appui.
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Comme parents, nous sommes souvent tentés de précéder les étapes en plaçant l’enfant dans une position qu’il ne maîtrise pas encore par lui-même. Il n’est pas « autonome » et son équilibre est précaire. Dans ces moments, il ne ressent pas une sensation d’unité et de cohésion dans son corps, puisqu’il n’est pas rendu là sur le plan moteur. Cette sensation est pourtant fondatrice de son identité et de son autonomie. En d’autres mots, en devançant l’enfant dans ses étapes naturelles de développement, nous le « décentrons » ; nous l’empêchons de trouver en lui-même et par lui-même son centre d’équilibre qui l’amène à ressentir qui il est et ce qu’il fait, soit son « identité ». Pour que ses actions manifestent de l’aisance et pour que l’enfant soit autonome, nous avons intérêt à respecter le rythme naturel de ses acquisitions sur le plan moteur et à freiner notre empressement, en cessant de précipiter les étapes. La direction vers l’autonomie doit être claire dès le début de notre accompagnement. C’est la base !
Favoriser l’autonomie dans les jeux libres
Le jeune enfant est aussi capable de jouer seul et de faire des découvertes intéressantes. Nul besoin de le stimuler constamment ni d’interférer dans ses jeux libres autonomes en devançant souvent les habiletés qu’il développe. Notre rôle, comme parent, est surtout de bien observer attentivement ce que fait l’enfant et de mettre des mots sur ses découvertes, ses questionnements, ses intérêts quand c’est opportun. Ces interventions favorisent la prise de conscience de soi et de son environnement. Par cette observation, nous saurons mieux ensuite comment enrichir l’environnement pour le rendre riche et stimulant, en lien avec les besoins et intérêts de l’enfant. Cela ne signifie pas de ne jamais « jouer » avec l’enfant, mais cela signifie de ne pas le rendre dépendant de notre présence dans ses jeux. Donc, prioriser les jeux libres et bien observer pour offrir un environnement stimulant.
Si l’on pense au développement graphique de l’enfant, soit le développement que l’on observe dans ses dessins, ses peintures, ses modelages avec la pâte à modeler, ses assemblages avec des matériaux divers, là aussi, l’enfant passe par des étapes innées du gribouillage au stade le plus avancé que l’on nomme « l’adolescence ». (Voir l’article paru dans Vie de Parents : « La créativité : un cadeau de la vie à préserver »). Comme parents, nous avons une prise de conscience à réaliser pour respecter l’enfant dans le stade où il est rendu. Éviter de lui proposer des stimulations qui le devancent comme les cahiers à colorier, les stencils, les modèles à reproduire. Pour encourager l’autonomie de l’enfant et son sentiment d’unité et de compétence, nous devons revoir certaines pratiques qui, à notre insu, rendent l’enfant dépendant. L’enfant en vient à sentir qu’il « n’est pas capable! ». Il demande qu’on fasse à sa place. Alors que si nous respectons les étapes naturelles de développement, il se sentira de plus en plus « capable » et évoluera de manière autonome avec notre encouragement.
Favoriser l’autonomie et le sens des responsabilités dans les soins
S’habiller, se nourrir, se laver, ranger, prendre soin de son environnement, etc., l’enfant apprend graduellement. L’adulte peut appuyer ce mouvement de prise en charge personnelle en faisant participer l’enfant et ce, dès le plus jeune âge. En verbalisant les soins apportés à l’enfant, celui-ci comprend peu à peu ce qui lui arrive. Il peut même collaborer de lui-même : lever lui-même son bras pour enfiler le chandail, lever son pied pour le laver avec l’éponge, etc. En demandant très tôt la participation de l’enfant dans les soins, vous encouragez son autonomie. En nommant ce que vous faites et ce que vous allez faire, vous aidez l’enfant à comprendre ce qui lui arrive. Il prend ainsi conscience de lui-même et de son identité propre.
Plus il deviendra mature, plus vous pourrez l’inviter à se prendre en charge. Plus tard, vous pourrez lui suggérer d’autoévaluer sa contribution à la vie familiale : le rangement de sa chambre, le rangement des jouets, sa collaboration à l’heure du bain et du « dodo », sa collaboration aux repas. Plus il vieillira, plus il pourra assumer des tâches plus complexes comme la participation à la préparation des repas et collations, la participation au lavage de ses vêtements, la participation au rangement de la maison familiale, etc. Les adolescents peuvent faire beaucoup pour développer leur autonomie et ainsi se préparer à devenir des adultes autonomes et responsables, engagés face à leur mieux-être et celui de la collectivité. (Voir les articles parus dans Vie de Parents, Autonomie, et En route vers l’autonomie de Fannie Robert). L’autonomie financière, graduellement acquise, viendra contribuer à cette évolution de l’adolescence à l’âge adulte (Ex. : budget accordé pour l’achat de vêtements et chaussures, petits travaux à l’extérieur rémunérés, emploi d’étudiant, etc.)
Quelques principes à retenir
- Prendre le temps qu’il faut pour évoluer d’une étape à l’autre. Éviter l’empressement en devançant les étapes. Respecter le rythme de l’enfant.
- Bien observer l’enfant pour suivre son mouvement de découverte dans ses jeux autonomes divers. Verbaliser ses questions, ses découvertes, ses nouvelles acquisitions.
- Appuyer le mouvement qui permet à l’enfant de découvrir son identité, son unicité, son unité, sa cohésion interne. Favoriser le contact avec soi-même en verbalisant les gestes du quotidien, en prévenant l’enfant de ce qu’on va faire.
- Questionner l’enfant pour développer son raisonnement autonome et sa prise de conscience : « Qu’est-ce que tu en penses? », « Comment résoudre ce problème? ».
- Créer un environnement riche et stimulant pour favoriser le développement de l’autonomie.
- Considérer l’enfant et l’adolescent comme un partenaire de la relation, comme une personne active et autonome.
- Laisser faire le plus possible l’enfant par lui-même. L’encourager à essayer seul avant de l’aider.
- Lui dire : « Je te fais confiance ! Je sais que tu sais te débrouiller seul! ».
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
Références :
Anna Pinelli, Porter le bébé vers son autonomie, Édition Érès, 2012
Équipe Naître et grandir, L’autonomie chez l’enfant, revue Naître et grandir, janvier2016
Équipe Naître et grandir, La quête de l’autonomie, revue Naître et grandir, septembre 2018
Myriam David, Geneviève Appel, Loczy ou le maternage insolite, Éditions érès, 2008