Je me suis présentée aux urgences un dimanche matin. Des pertes sanguines, enceinte de 7 semaines, c’est parfois commun. D’autres fois, c’est un signal d’alarme. Je passe vite; trop vite pour notre système de santé. Je pense être chanceuse, je vais pouvoir rentrer dîner à la maison avec mon chum et ma fille. On me demande de mettre une jaquette pour faire un examen gynéco et on m’annonce que le Dr C viendra faire des analyses. « Pas de problème, je veux savoir que mon bébé va bien, passez-moi tout ce que vous voulez comme examen », me dis-je alors. On examine mon col, il est bien fermé. Ensuite vient l’échographie. À 7 semaines, je ne m’attends pas à voir beaucoup de choses, mais déjà de voir que le bébé est au bon endroit, ça me suffirait. Au lieu de cela, je reçois une tonne de briques en plein front : « Je ne vois pas de fœtus, madame Tremblay ». Et moi de répondre : « Il doit y avoir une erreur, Docteur. Vérifiez avec l’autre machine par l’intérieur. » Il s’exécute. « On va vous faire prendre des prises de sang, mais, pour l’instant, je n’ai pas de bonne nouvelle à vous annoncer ». J’ai le vertige. Des larmes coulent sans que je ne puisse les arrêter, mais je n’ai même pas l’impression de pleurer tellement je suis sous le choc. J’appelle mon chum, lui demande de m’envoyer quelqu’un (ma fille fait sa sieste, je ne veux pas qu’elle vienne à l’hôpital pour attraper des microbes). Il ne me pose aucune question, mon ton de voix semble lui avoir annoncé la nouvelle sans que j’aie prononcé de mots. Ma sœur arrive. Café et dîner en mains. Dieu soit loué. Pas de questions de sa part non plus. Mes joues ravagées par les larmes lui annoncent qu’elle ne sera pas marraine en mai 2019. Elle comprend. Elle me tient la main. Elle écoute mon silence.
On attend les résultats des prises de sang, qui confirmeront, trois heures plus tard, que je porte la mort en moi. Par réflexe, je pose une main sur mon ventre. Et soudain, ça frappe. Vide. Mon ventre est vide de toi. Tu es parti. Trop tôt. Et je hurle ma douleur. J’entends les résultats, les procédures et les voix, mais je me ferme. Je ne sais par quel miracle j’ai réussi à tout retenir.
La première phrase du docteur lorsque je quitte, c’est « ne vous en faites pas madame, vous redeviendrez enceinte rapidement. Une grossesse sur cinq »… Et sa voix n’est plus qu’un écho. Pourquoi remplacer? Pourquoi dois-je déjà penser à retomber enceinte alors que je porte encore les débris de ce qui devait être mon deuxième miracle? Pourquoi dois-je relativiser cette perte aussi rapidement?! Je ne comprends pas les commentaires. Je n’entends pas les réflexions. Les jours qui suivent, mon cœur de mère souffre tellement que je fais tout machinalement. Automatiquement.
J’essaie de vivre. Je consulte. Je dors. Je m’occupe de ma fille. J’aime mon chum avec douleur. Je mange sans goûter. Je bois mon café sans le savourer. Je donne des nouvelles et me vide aussitôt de l’énergie qu’il me reste pour me rendre à mon lit. Puis, je reprends du mieux. Peu à peu. Avec le temps.
Je vis avec l’intime conviction que je serai marquée à jamais de ton passage. Je te fais une place dans notre sapin. Je parle avec tes sœurs de la perte que je vis. Je les laisse voir ma peine puis j’accueille l’amour qu’elles me renvoient pour me réconforter. Et j’assiste aux premiers pas de ta plus jeune sœur. Puis à ses premiers mauvais coups. Et enfin à un épanchement de progrès, de croissance et d’amour sincère de mes proches dans les semaines qui suivent ton départ. Et je pense, malgré la perte, que j’assiste à ton miracle à toi. Car bien que tu n’aies vécu que trop peu de temps, tu me fais le cadeau de me faire croire en la vie. De voir dans l’ambivalence de cette perte toute la richesse au cœur de mon quotidien.
Et pour cela, à jamais, je t’aimerai.
La plume d’Andrée-Anne
Rédaction :
La plume d’Andrée-Anne
Mise à jour : 21 décembre 2018
Par Équipe Vie de Parents - 21 juillet 2017
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