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Gérard
J’ai le goût de vous parler de Gérard. Gérard, c’est pas son vrai nom. Mais je trouve que ça lui va bien. Vous savez probablement c’est qui.
Gérard c’est un ami de mon garçon à l’école. Gérard, ça fait longtemps qu’on en entend parler. Gérard par ci, Gérard par là. Gérard comprend tu c’est un peu le bout de la marde aux yeux de mon fils. Aux yeux de pas mal tous les enfants en fait.
Gérard, il est cool.
Plus que ça. Gérard détient un brevet sur le cool. C’est un influenceur, comprends tu. Tu te compares à lui et pas le contraire. Tu te regardes dans le miroir, et t’as beau ressembler à Brad Pitt, tu te trouves laid.
Gérard, c’est le petit gars avec les cheveux en bataille et le sourire ravageur qui personnifie la confiance en soi. Il décide des bébelles qui sont cool et de quand elles ne le sont plus. Il a un entourage. Grâce à lui, tu vas acheter une tonne de Trash Packs ou de Beyblades à ton fils jusqu’à temps que ça se ramasse toute dans une caisse dans la cave parce que Gérard aura éventuellement décidé que ça a pu rapport de jouer avec ça. Quelque soit le nombre de cartes Pokemon que tu vas acheter, Gérard en aura toujours des meilleures.
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L’autre jour, on a organisé une fête pour mon garçon. Mais, dans le fond, on l’a plus organisée pour Gérard, parce que, ben entendu, il était invité. Il a donc fallu préparer une fête identique à celle que Gérard a eu il y a quelques mois. Chasse au trésor, pinata, cadeaux pour tout le monde même si c’est pas leur fête, tu vois le genre. On a travaillé fort pour Gérard. Pour qu’il trouve ça cool. J’ai rarement vu mon fils stressé de même. Il aurait voulu cacher sa petite soeur (qui voulait se déguiser en pirate, oh, la honte) en dessous de son lit, comme ses toutous.
On connait tous un Gérard. Je me souviens d’un Gérard au secondaire. Un tombeur de ces dames. Cheveux blonds bouclés, regard d’acier, fringues griffées, quart-arrière de l’équipe de football, champion de snowboard et grosse cabane au Lac. En secondaire 5, il était déjà divorcé 3 fois. Un jour il avait même fait la tournée des pupitres pendant un cours au grand rire de sa suite en demandant à chaque élève s’il avait déjà fait l’amour. Tant qu’à être le king, aussi bien humilier les autres bien comme il faut et vampiriser ce qu’il leur restait de confiance en eux, pauvres mortels. Un genre de Gérardisation naturelle.
Les enfants sont arrivés. Je sers les hot-dogs et les Doritos. Gérard est entré sans dire bonjour. «Pis les enfants, c’est tu bon?»
Gérard me regarde, un sourire fendu jusqu’aux oreilles.
«Non.»
Juste comme ça, un petit gars de 8 ans me pitche dans mon passé et me fait sentir gros comme ça.
Gérard, cher Gérard. Je sais que c’est pas de ta faute si t’es comme ça. Mais je t’haïs quand même. Je voudrais que mon fils se foute de toi et de ton opinion. Je voudrais qu’il soit aussi Gérard que toi et qu’il d’antigérardise. Je sais, je me projette dans mon garçon. Peut-être le vit-il autrement. Mais bon.
Une chance qu’il existe aussi des Gontrand.
Nicola Vachon
Rédaction :
Nicola Vachon
Mise à jour : 11 février 2020
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