J’adore mes voisins. Je me considère chanceux.
On a beau évoluer dans des milieux différents, on s’entend bien.
Quand on est arrivés du centre-ville pour se bâtir dans le bois, j’avais peur un peu de ceux que j’allais croiser dans la rue. Je trouvais le coin magnifique, mais je me demandais si c’était un bon move. Si ça avait rapport de faire ça, pour nous.
Déjà, en partant, on a décidé que notre maison allait être orange. On en avait vu des belles à Kamouraska. On s’est dit : ça va être joyeux. Ça va être invitant, comme un gros brunch du dimanche matin. On s’est dit : ça va être beau sur le vert de l’été, le blanc de l’hiver, le doré de l’automne. Même sur le brun du printemps.
On avait raison. J’adore ma maison. Legit.
Pis on la voit à des kilomètres à la ronde, parce qu’elle est juchée sur le flanc d’une montagne. Mais aussi parce que c’est la seule maison qui se détache de la palette brun/gris/noir/kaki des autres autour. Pas qu’elles sont laides. Juste, monochromes.
Bref, en arrivant là, je me sentais un peu comme un intrus. Un extra-terrestre. Une maison orange qui a l’air d’une école de campagne entourée de piaules modernes. Deux artistes entourés de policiers, d’entrepreneurs, de businessmen et de soldats.
Mettons que je me suis dit : on partagera peut-être pas les mêmes visées. Tsé?
Ben non. On les partage peut-être pas. Pas toujours. Pas toutes. Mais savez-vous quoi? C’est pas grave.
Vivre ici, ça m’a appris une grande leçon. Que ça vaut la peine d’aller voir plus loin que son nez qui juge. Que, dans le fond, qu’on soit millionnaire ou ordinaire, manuel ou intellectuel, à droite, à gauche, on reste des êtres humains qui souhaitent pas mal tous la même chose : être heureux. On a, malgré tout, beaucoup de choses en commun. La Covid a d’ailleurs fait un beau travail à ce sujet-là. Nous mettre tous au même niveau. Celui de la terre ferme.
Tout ça pour dire que mes voisins, je les aime. Je les trouve hots. On a tous des jeunes enfants. C’est grâce à eux probablement qu’on a fait le move de s’adresser la parole au début. Sinon, on en serait peut-être resté à des « Bonjour » et des « Allo » gênés en se croisant dans la rue. Nos enfants adorent jouer ensemble. L’été, on les regarde faire en buvant un (des) apéro(s). Ça me rappelle ma propre enfance. Quand je jouais avec mes voisins pendant que nos parents buvaient de la bière en Speedo en arrière de la maison.
Ce qui m’amène à mon sujet du jour : le deux mètres.
Le fucking deux mètres. Osti.
Récemment, on a réalisé que les enfants des voisins en face jouaient ensemble. D’un commun accord, ils se sont dit : de la marde. C’est ben correct. Je les comprends.
L’affaire, c’est que nous, non. On n’est pas prêts. On trouve que c’est trop tôt. On pense aux grands-parents qui s’ennuient pis on n’ose pas. Pas d’école non plus, ni de garderie. On reste chez nous quoi, vu qu’on peut se le permettre.
Juste ça, ça nous met dans une situation pas possible. Comme essayer d’expliquer à tes enfants de 3 et 8 ans pourquoi ils peuvent pas rejoindre leurs amis dont même les cheveux s’entremêlent, qui gambadent, qui rient et qui se roulent dans le soleil baveux et agace du printemps, au ralenti. Ou alors flancher un petit peu, et les laisser aller en leur demandant de garder leurs distances. Pas pouvoir t’empêcher de les suivre pour gérer ça, parce qu’ils en sont, bien sûr, incapables. Avoir un buzzer dans ta tête qui buzz dès que le deux mètres en devient un ou qu’ils touchent à whatever. Te sentir comme un témoin de Jéhovah dans un réveillon de Noël où tout le monde croule sous les cadeaux. Te sentir straight. Te sentir freak. Te sentir plate. Obliger tes enfants à retourner dans la maison parce que tu peux plus te gérer le buzzer.
Je suis pas en maudit contre toi Flo. Je suis juste en maudit.
Nos voisins sont fins. Ils respectent notre décision. On s’ennuie.
Je le sais pas ce qui nous retient. Je le sais pas qui a raison. Tout le monde? Personne? J’imagine qu’il y a d’autres parents qui vivent ce que l’on vit. Pis m’imaginer ça, ça me fait du bien.
Comme dit mon père, cette pandémie-là, c’est un work in progress.
Je veux juste pas que ça vole l’enfance aux enfants.
Nicola Vachon
Par Privé : Docteur À Domicile - 12 mai 2020
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