BLOGUE
La dictature familiale n’a rien d’une tyrannie
La famille débute par une bienveillante dictature. Bébé naît sans avoir rien demandé, au sein d’une famille qui veut son bien. Avec le temps et la maturité grandissante des enfants, le foyer prendra l’allure d’une démocratie. Il arrivera même (trop souvent) que les pouvoirs s’inversent au fil du temps. Comme parent, on a si peur de diriger qu’on crée parfois de petits empereurs. Sournoisement, la dictature fait place à la monarchie. Mais tous les parents se défendent catégoriquement d’éduquer des enfants-rois. Et ils se plaignent tous du mini souverain du voisin.
Le soir, maman peut bien proposer une sélection d’histoires à son mini afin de mieux connaître ses préférences, de lui permettre de s’exprimer. Mais selon moi, la véritable démocratie se limite pas mal à ça avec les mioches. Avec les petits, j’utilise beaucoup l’intervention démocratique. « Est-ce que tu mets tes bottes ou c’est maman qui le fait? » « Est-ce que tu commences par le pied gauche ou le pied droit? » Nous en conviendrons, ce leurre afin d’éviter une énième crise d’une cocotte qui rêve de se promener pieds nus dans la neige n’a rien de démocratique. Dans les dernières années, j’ai offert beaucoup de fausses options à mes adorables croquettes. Je n’en ressens aucune honte. Ça permet aux tout-petits de faire des choix à la hauteur de leurs capacités… Et à maman d’acheter la paix à moindre coût!
Publicité
Je me suis déjà persuadée que je n’imposerais rien à ma progéniture… Mais la neutralité n’existe pas. On inflige constamment nos choix à nos enfants en étant bien convaincus qu’il s’agit de la meilleure décision pour eux (selon nos convictions).
À ma première grossesse, lorsqu’on me questionnait sur le choix de ne pas baptiser mon bébé, je répondais que fillette choisirait elle-même d’intégrer l’église ou pas à l’âge adulte. Qu’elle pourrait aussi pratiquer une autre religion. Qu’elle serait libre d’entreprendre ou pas une vie spirituelle. Il y avait sans doute un peu de prétention derrière ce discours. « Moi, je n’imposerai pas mes décisions à mon enfant ». Et pourtant…
Petite, je revenais de l’école enragée parce que, pendant le cours de catéchèse, nous avions discuté de la parabole du fils prodigue et que je détestais cette histoire. Elle est injuste. J’allais à la messe avec ma grand-mère pendant la semaine sainte, et je mangeais des galettes de Sarazin le vendredi précédant Pâques. J’en garde de très beaux souvenirs.
Mes gamins ne partageront pas ces souvenirs. Fiston a mis les pieds dans une église une seule fois. On est entré la visiter parce que la cloche du dimanche l’intriguait. Un jour où il s’est échappé un truc sur le pied après s’être fait couper les cheveux, son papa et moi l’avons appelé Samson. Il n’a pas ri. « Samsung? » Il ne connaît aucune parabole, aucune histoire sainte. Mes enfants connaissent pourtant quelques légendes de la mythologie grecque. Mon aînée, qui adore contempler son reflet dans le miroir se fâche lorsqu’on l’appelle Narcisse. Elle se souvient du terrible sort qui lui est promis si elle n’abandonne pas bientôt ses élans de coquetteries.
Bref, en refusant de choisir pour eux, nous avons fait un choix. Nous avons éduqué nos mioches dans l’athéisme. Ils peuvent bien sûr découvrir Allah à 17 ans. Mais ils auraient pu en décider ainsi d’une manière ou d’une autre. N’empêche que d’ici là, ils n’auront pas été élevés dans la neutralité, dans l’attente d’une vision, ils auront été élevés dans l’athéisme. Tout comme je suis une athée de culture catholique.
Au quotidien, on réalise souvent qu’en refusant de choisir, on prend position. Parce que la neutralité n’existe pas.
On impose toujours nos choix à notre progéniture. Je pense même que c’est un peu ça notre boulot. Remplir leur valise. Leur offrir des connaissances, des sensations, des expériences, des souvenirs. Mais surtout de l’amour, de la confiance, de l’ouverture, de la valorisation, de l’espace, du discernement. Avec une valise bien pleine et de l’estime de soi, Je suis persuadée que nos gamins sauront jeter ce qui ne leur conviennent pas ou accepter que certaines décisions ne fassent pas leur affaire. Parce que c’est aussi ça la vie!
Rédaction :
Mélissa Meunier
Mise à jour : 4 décembre 2023
Partagez cet article