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Porter sa croix
J’ai tellement voulu devenir maman. Je le souhaite depuis toute petite. J’ai attendu l’occasion des décennies durant. J’ai trouvé le grand amour, le meilleur papa du monde, le partenaire idéal. J’étais plus que prête. Il y a un an presque exactement, je pleurais de joie à la vue de cette petite croix sur mon test de grossesse, celle qui m’indiquait la venue de mon quatrième enfant. Rendue au quatrième, je savais à quoi m’attendre.
Et pourtant!
Des fois, souvent, je suis à boutte. Épuisée. Fâchée. Dégoûtée. Exaspérée. Des fois, souvent, je passe en courant devant le miroir. Parce que si je prenais le temps de me regarder attentivement, je constaterais que mon corps, ma tête et mon coeur n’ont pas l’air heureux. Je déborde pourtant d’amour et de bonheur. Mais des fois, la fatigue des nuits blanches, les bobos laissés par les nombreuses grossesses et les mille et une tâches à accomplir prennent toute la place. Et le bonheur d’être maman, lui, il déborde, il s’oublie, il se cache pour un temps.
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Des fois, souvent, je suis nulle ou archi nulle. Je me donnerais le prix citron de la maternité pour la plus amère des mamans. Pourtant, j’en ai suivi des formations sur le développement de l’enfant. J’en ai lu des livres sur l’éducation bienveillante et la discipline sans drame. Des fois, la bienveillance, je l’oublie dans le livre. Comme un signet. Elle garde ma page le temps que je ventile. Lorsque j’ai mille choses à faire et que les matins dérapent, il m’arrive d’échapper la gentillesse au compost avec les pelures de bananes ou dans la laveuse avec la couche du petit (imagine son état!). Parfois, je crie, je pogne les nerfs, je menace, je punis, je serre des bras. Parfois, je me trouve franchement inadéquate. Et ce, même si j’adore être maman.
La maternité se décompose en tâches titanesques et ingrates. Je ne peux même pas imaginer à quel point ce doit être éprouvant quand tu ne l’as pas choisie. Quand t’es seule. Quand tes études ne sont pas terminées et que tu es dans une situation précaire. Quand tu te sens beaucoup trop jeune et que t’avais tant de rêves qui venaient avant les enfants dans ton projet de vie. Je ne parlerai même pas des contextes aussi exceptionnels qu’abominables. Des viols, des abus, des bébés condamnés à la souffrance, des malformations… En dehors de l’horreur et des histoires tragiques, t’as quand même le droit de choisir le meilleur pour toi et pour tes enfants à venir (ou pas).
Toi qui accoucheras d’un poupon, sans que le bonheur soit au rendez-vous, je n’ose même pas imaginer la lourdeur de tes doutes. Je n’ose même pas imaginer tous les soirs où tu vas t’endormir en pleurant. Je devine à quel point ce bébé surprise va bouleverser ton existence. De façon permanente. Et ce regret-là, tu vas le garder pour toi. Comme le plus lourd des secrets. Parce que ton gamin tu vas l’aimer. Malgré tout. Tu n’oseras jamais lui dire (ni à lui ni à personne) que t’aurais aimé mieux qu’il arrive plus tard (ou pas du tout).
C’est possible que ce bébé qui t’a choisie, sans que tu ne l’aies choisi en retour, s’avère être le plus beau cadeau de la vie. C’est possible que tu passes le reste de ton existence à te féliciter de l’avoir gardé. Ça se peut tellement! Mais ça se peut que non! Et ce risque-là, il n’y a que toi qui devrais faire le choix de l’assumer.
Une croix sur un test de grossesse, comme le début d’un rêve, pas comme l’annonce d’un cauchemar!
Rédaction :
Mélissa Meunier
Mise à jour : 13 juillet 2022
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