Déjà cinq ans que t’es parti papa!
T’as jamais pu nous faire tes adieux comme tu l’aurais voulu. Quand t’as su que c’était le dernier chapitre, t’étais déjà plus tellement toi.
Il y a cinq ans, je te demandais la permission pour que mes trois enfants puissent entrer dans ta chambre d’hôpital lorsqu’ils viendraient me chercher. Tu ne voulais pas les effrayer par ton corps couvert de taches. On t’a abrié pour ne laisser que ton visage disponible pour les bisous. T’avais eu tant d’importance pour mes petits, tu ne pouvais pas disparaître sans un adieu. Un jour, ils auront besoin de savoir que ce vieux monsieur qu’ils avaient tant aimé ne les avait pas abandonnés. C’est la maladie qui leur avait arraché leur unique grand-papa, le seul qu’ils aient connu. Celui qui les a vus et cajolés le jour où ils ont atterri dans notre monde. Celui qui les amenait glisser, faire du vélo ou nourrir les canards. Celui qui leur façonnait une glissade dans la cour, leur construisait une maison de poupée ou rénovait leur chambre.
Il y a cinq ans, je t’ai fait mes adieux. Dans ma tête. Sans l’admettre.
Le lendemain, alors que je déshabillais Marion, dans le vestiaire du CPE, mon téléphone a sonné. Mes deux plus vieux étaient déjà à l’école. J’ai pris l’appel. C’est la voix gorgée de larmes que Mamie m’a annoncé ton départ. J’ai accompagné ma poulette de 3 ans dans son local. Mine de rien. Puis, j’ai rejoint Amoureux qui m’a conduit à ton chevet. Retrouver ma mère et mon frère. Pleurer sur ton cadavre.
Tu m’as transmis tant de parcelles de toi. Ta grandeur, ton amour du chocolat, ta blancheur, ta rouille, tes histoires trop longues qui passent par Moscou pour se rendre à Québec, tes maux de dos, tes grandes oreilles à moitié sourdes…T’avais meilleur caractère que moi par exemple! ..Mais moi, je suis plus drôle!
On pense encore à toi souvent!
On dit que les souvenirs sont éternels. Malheureusement, comme le reste, ils pâlissent avec le temps. Les photos m’aident à maintenir ton visage gravé dans ma mémoire. Mais j’ai de la difficulté à me rappeler ta voix. Au réveillon de Noël, les enfants crient encore spontanément “Joyeux Noël et bonne fête papi” au douzième coup de minuit. Mais, si ma maison d’enfance est longtemps demeurée celle de Papi-Mamie, elle est devenue tout doucement la maison de Mamie. Lorsqu’ils oubliaient ton nom dans l’équation, je l’ajoutais. Mais, depuis un moment, il m’arrive d’oublier de leur rappeler.
On a entretenu les souvenirs de Marion par des photos et des histoires. Mais de quoi se rappelle-t-elle réellement de ses trois premières années de vie?
Depuis ta mort, papa, la cigogne est repassée dans la famille pour t’offrir un neuvième et dernier petit-enfant. Tu n’étais pas là pour réconforter maman qui était si inquiète de me savoir enceinte dans la quarantaine. Et tu ne sauras jamais que j’ai perdu un bébé une semaine avant de savoir pour ton cancer. Léon n’a pas de Papi. Tu l’aurais tellement aimé! Comme les autres. Tu aurais ri des bouffonneries et des techniques de lutte de ma petite brute. Mon fils n’aura que son nom en souvenir de toi. Je ne pouvais pas accoucher d’un Noël en février. Mais en inversant les lettres, le résultat est mignon. Il s’appelle Léon, l’anacyclique de ton prénom.
Je lui parlerai de toi souvent pour que ton souvenir se creuse une place dans son imaginaire.
On t’aime!
Rédaction :
Mélissa Meunier
Mise à jour : 7 janvier 2025
Par Benoit Beaulieu-Forget - 28 juin 2017
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