Je t’écris à toi, qui prônes l’accouchement naturel pour tous, qui nous dit qu’on ne devrait pas demander la péridurale, qui louange la souffrance, affirmant qu’elle nous permet d’entrer en contact avec bébé. Je t’écris à toi qui t’autocongratules pour ta force, ta persévérance, la confiance que t’as eue en ton poupon et toi. Comprends-moi bien : tu fais bien de reconnaître tes bons coups, d’être fière de toi, de te donner une tape dans le dos. Pour les félicitations comme pour le reste, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Parce que les autres parfois, ils jugent, ils nous mettent de la pression, ils nous flanquent leurs exploits au visage comme s’ils souhaitaient nous culpabiliser.
Comme tant d’autres, t’avais choisi de refuser la péridurale bien avant le grand jour. Comme certaines, t’as gagné ton pari. Ben oui, t’es bonne, belle, forte, capable, mais t’es aussi chanceuse. Le reconnais-tu? D’autres femmes partant avec les mêmes convictions que toi se sont retrouvées sur une table d’opération. D’autres ont cédé à la tentation de la piqûre après 20 heures de contraction. L’une a résisté, comme une guerrière, malgré la fatigue accumulée pendant des mois d’insomnie, de maux de dos ou d’estomac. Elle a réussi. Une case à cocher dans son journal de Superwoman. A priori, c’était pour le bébé qu’elle refusait la péridurale. Pour ce fameux lien qui se crée pendant les contractions, lors du travail. A posteriori, elle ne sait pas trop. Elle était si fatiguée. Elle a eu de la difficulté à allaiter son nouveau-né, de la difficulté à reprendre le dessus, n’a pas l’impression d’avoir « profité » de son poupon comme elle pensait le faire. A priori, c’était pour son bébé. Et pour la beauté du moment. À l’exception du résultat, elle n’en retient que douleur et épuisement.
Chaque naissance est unique, en durée et en intensité. Elle vient avec ou sans complications. Mais, il n’y a pas que l’accouchement. Il y a celles qui portent leur bedaine 37 semaines. D’autres, 42. C’est long, 35 jours supplémentaires dans un corps qui ne coopère plus. Il y a des grossesses harmonieuses. Et il y a les maux de dos ou d’estomac, les nausées, le diabète, la thyroïde qui se déséquilibre, l’enflure, l’insomnie. Après 9 mois de bonheur, tu ne possèdes pas la même endurance qu’après 9 mois de douleur, de contraintes ou d’angoisse. Il y a celles qui bénéficient d’un congé préventif pour s’occuper de leur bedaine, se reposer. D’autres s’occupent de leurs 3 enfants en travaillant 40 heures. Certaines ont la chance d’être accompagnées de papas impliqués, de familles tissées serrées, de voisins accommodants. Il existe aussi des femmes seules ou démunies. Certaines avaient déjà des problèmes avant d’être enceintes. D’autres sont terrifiées à l’idée d’accoucher. Toutes ne possèdent pas pareille énergie, pareille endurance.
Je rêvais d’accoucher chez moi… ou dans un grand bain à remous. J’étais suivie par une sage-femme. Lors des 2 premières grossesses, j’ai fini à l’hôpital, les pieds dans les étriers. La première fois, je l’ai vécu comme un terrible échec. Je suis sortie de l’hôpital, au bout de plusieurs jours, en pleurant comme une Madeleine. J’avais bien failli mourir, mais ce n’est pas pour ça que j’étais en larmes. Les complications médicales se trouvaient derrière moi. Je tenais mon bonheur entre les mains, une petite fille en santé, si longuement désirée. Mais ça ne m’a pas consolée. Je pleurais l’échec de l’accouchement rêvé, celui pour lequel je m’étais préparée. J’avais pourtant pratiqué tous les exercices, bu toutes les potions, appris la méthode Bonapace… Pour nos premiers souvenirs communs, j’ai offert une maman en larmes à mon poupon. Pour les 2 grossesses suivantes, j’ai retenté d’enfanter à la maison. Même déception! Puis, après avoir bercé une petite morte, je me suis dit qu’il y avait des ennemis bien pires que le Cervidil, le Pitocin et la péridurale dans la vie. À ma quatrième gestation, je n’ai pas appelé les sages-femmes, mais le département de GARE (grossesses à risques élevés) pour mon suivi. J’ai dû me rendre à l’hôpital une trentaine de fois en 40 semaines. On me gavait de médicaments. J’ai passé 11 échographies. Une gestation ultra médicalisée. Il y a eu les complications réelles et toutes ces occasions où on m’a fait peur inutilement. Cette gestation ne ressemblait nullement à celle dont je rêvais. Mais cette fois, je ne m’attardais sincèrement que sur l’essentiel. Tout ce qui importait était notre santé, à bébé et moi. On le répète sans cesse, mais je ne suis pas certaine qu’on en prenne vraiment conscience avant d’avoir côtoyé le pire. Après un parcours intra-utérin difficile, ma fille m’a offert un cadeau en choisissant elle-même le moment de sa naissance. Mon corps lui a indiqué la sortie, sans aide extérieure. Elle est née sous les projecteurs, sous la lumière éclatante, et non dans la chaleur d’un bain à remous. Mais elle a atterri dans les bras d’une maman comblée et libre de se mouvoir, puisqu’elle n’avait pas été momentanément paralysée par la maudite piqûre. C’est réellement génial lorsque les événements peuvent se dérouler ainsi.
À mon avis, « choisir » sa façon d’accoucher équivaut un peu à choisir sa manière de mourir. Nous voudrions tous partir tout en douceur, pendant notre sommeil. Mais nous n’avons pas beaucoup de contrôle là-dessus. On peut faire certains choix, parfois, et c’est tout.
Alors. À toi qui prônes l’accouchement naturel pour tous, l’allaitement et le portage, sans vouloir t’offusquer, je voudrais te demander de prôner l’accouchement naturel pour toi.
Par Équipe Vie de Parents - 12 juin 2017
Accoucher, c’est mettre au monde un ou des enfants. C’est l’aboutissement, le dénouement de la grossesse.
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