Ce soir ma chérie, maman est fatiguée. En te mettant au lit, tes petits yeux d’un bleu qui ne peut que donner foi en l’avenir, ont immédiatement repéré les sillons qui se sont creusés entre mes sourcils aujourd’hui à force de les froncer.
Tes douces petites mains s’y sont posées pour les couvrir de douceur. J’ai alors souris, mais tu as vu plus profondément.
Il est un peu tôt pour que j’essaie de t’expliquer, mais du haut de tes trois ans, tu as lu entre les sillons et coopéré comme si tu avais tout saisi.
Maman travaille en environnement ma chérie. Tous les jours, avec mes collègues, j’essaie de sensibiliser davantage de gens à la crise climatique et à l’urgence d’agir. Tous les jours, je lis des rapports accablants, je vois des données affolantes, je lis les nouvelles et constate que nos gouvernements n’ont toujours pas compris.
Je ne suis pas d’une nature anxieuse, mais j’avoue que parfois je dois lire toutes ces données avec un peu de détachement, probablement comme le font les médecins en lisant certaines fiches de santé, question de ne pas être submergée par l’émotion. Et paralysée, momentanément, comme ce soir.
Des termes comme crise climatique, déforestation, perte de biodiversité, inondation, feux de forêts, gaz à effet de serre, réfugiés climatiques, pandémie, suprématie blanche, racisme environnemental… frappent mes rétines et s’y tatouent.
Quand ma journée se termine et que je vais te chercher à la garderie, remettant mon chapeau de maman, je ne peux m’empêcher de me dire que je t’ai volontairement mise au monde, sur cette planète en crise. Et soudainement, tu me remets les dessins que tu as fait dans la journée, réinventant le monde, repoussant les possibles et quelque chose en moi renaît.
Parce que c’est exactement ce dont nous avons tous besoin pour sauver cette planète. Artistes, rêveurs, penseurs, à vos crayons, pinceaux, plumes, réinventons le monde, repensons nos systèmes et revoyons les possibles!
Ce soir je suis fatiguée, mais je veux que tu saches que si je m’abreuve à ta douceur en ce moment, c’est pour être capable, demain, de te nourrir de tout ce qu’il y a déjà d’inspirant dans ce monde. Je parle des millions de petits actes de courage qui, mis ensemble, forment déjà un puissant torrent. Nous avons ce pouvoir ma chérie.
Oh tu te réveilles. Tu me regardes.
Est-ce moi qui veille sur toi ou toi sur moi? Je ne sais pas, je ne sais plus. Qu’importe. Tu me demandes un câlin. Ta chaleur m’enveloppe instantanément et je sais.
Ce soir je suis fatiguée, mais je sais que demain je vais me relever et continuer.
Pour toi.
Pour tes enfants et les leurs.
Parents, grands-parents, tantes, oncles, de sang ou de cœur, ce soir allons nous reposer, mais relevons-nous ensemble demain, unissons nos voix, et montrons à nos enfants ce que courage, espoir et imagination peuvent faire. Comme l’a si bien dit la romancière Anaïs Barbeau-Lavalette, “berçons d’un bras et brandissons de l’autre”.
Bonne nuit ma chérie.
Rédaction :
Marie-Christine Fiset - Directrice médias - Greenpeace
Mise à jour : 19 avril 2021
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