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Parce que
Avant même d’être enceinte, on me parlait déjà de la phase des « pourquoi?».
Avant même d’être enceinte, j’avais entendu maintes et maintes fois des histoires d’enfants qui posent des questions saaaaans relâche jusqu’à ce qu’on ne sache plus quoi dire.
Avant même d’être enceinte, j’avais entendu tous mes amis déjà parents s’exaspérer, sourire aux lèvres, des interrogations existentielles de leurs petits bouts.
Mais il y a une chose qu’on ne m’a jamais dite.
Une chose que je n’ai jamais entendu aucun parent avouer.
Une chose que j’aurais bien aimé savoir; pas parce que ça aurait changé quoi que ce soit.
Juste parce qu’une fois rendue là moi aussi, j’aurais su que c’était un passage obligé.
En fait, non. Bien plus qu’un passage. Ou en tout cas, un passage qui dure éternellement.
On nous parle de l’âge des « Pourquoi? » de nos enfants.
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Mais on ne nous dit pas qu’à la seconde où nous mettrons lesdits enfants au monde, ce sera notre phase de pourquoi à nous qui commencera. Pis que la grande différence avec celle que nos enfants traverseront un jour, c’est que nous, on ne la traverse pas.
On s’assoit dedans FOR EVER.
À la seconde où mon fils est né, j’ai douté de tout. De moi, surtout. Mais aussi de tout le reste.
Je suis soudainement devenue une maniaque de la réponse à tout, une obsédée de la justification, une archéologue de l’affaire hyper rationnelle qui expliquerait tout : les pleurs, l’allaitement qui va tout croche, les cacas jaunes/verts/orange/beige, le nez qui coule, la toux qui apparait du jour au lendemain, les nuits qui fonctionnent et celles qui ne fonctionnent pas, etc. etc. etc.
À la seconde où mon fils est né, les pourquoi sont devenus bien plus nombreux que les parce que. J’ai soudainement oublié qu’on ne peut pas avoir réponse à tout. Et qu’au fond, ce n’est pas si grave.
Je suis devenue responsable de tout.
Pourquoi hier il mangeait son poisson et aujourd’hui il le jette par terre? Est-ce que je l’ai mal assaisonné? Est-ce qu’il commence une intolérance? Est-ce qu’il a mal au ventre?
Pourquoi il ne veut que son papa depuis quelques jours? Est-ce que j’ai fait quelque chose? Est-ce que c’est parce que c’est moi qui le dépose à la garderie le matin et qu’il m’associe à l’abandon? Est-ce que c’est parce que j’ai recommencé à travailler?
Pourquoi ce soir il pleure quand je le couche? Est-ce que j’ai oublié de ne pas mettre d’assouplisseur dans le lavage et son pyjama lui pique? Est-ce qu’il fait des dents? Est-ce qu’il commence un rhume?
Encore, et encore, et encore, saaaaaans relâche.
Tous les livres le disent. Un enfant ne naît pas avec un mode d’emploi. Et personne ne naît parent. Ce qu’on ne nous dit pas, c’est qu’on oubliera aussi un principe absolument fondamental : il n’y a pas de réponse à tout. Et c’est drôle comment, devant un enfant qui épuise nos réponses à coups de pourquoi, on se donne plus facilement le droit de dire parce que. Parce que c’est comme ça. Parce que c’est la vie. Parce que maman n’a pas la réponse. Et parce que, c’est vrai, il n’y aura jamais de réponse à tout.
Si je pouvais revenir 19 mois en arrière, quelques heures avant que mon fils se décide à se montrer le bout du nez, et me souffler un conseil à l’oreille, c’est ça que je me dirais : donne-toi le droit des parce que.
Pourquoi garçon faisait ses nuits et BOUM, du jour au lendemain, il a décidé de se réveiller aux heures? Parce que.
Pourquoi ce matin, garçon te repousse comme si tu sentais le vieux compost et ne veut qu’être dans les bras de papa? Parce que.
Pourquoi soudainement garçon s’agrippe à toi quand tu le laisses à la garderie et pleure sans fin pour que tu restes avec lui? PARCE QUE.
Parce qu’il apprend. Parce qu’il grandit. Parce qu’il essaie. Parce qu’il teste. Parce qu’il ne comprend pas. Parce qu’il comprend. Parce que la vie. Pis parce que c’est d’même. Tout simplement.