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La vie carbonara
Les adultes appellent ça le terrible two.
Mais je ne sais pas pour qui on croit que c’est le plus terrible.
Probablement pour les parents; les mots d’adultes sont rarement réfléchis pour les petits.
Parce que c’est vrai que c’est contraignant, irritant, challengeant d’avoir un enfant qui fait le bacon parce qu’…
il ne peut pas sortir dehors tout nu
il ne peut pas manger des roches
il ne peut pas dormir avec ses bottes
il ne peut pas jouer dehors 24h sur 24
il ne peut pas retirer son chapeau en plein soleil
il ne peut pas courir nus pieds dans la rue avec une hache en feu.
Et c’est vrai que quand on est un adulte et qu’on a, bien malgré nous, des obligations, ça peut être très, très, très chiant d’arriver en retard au travail parce que le fameux terrible two a décidé que, ce matin, mettre son manteau était l’équivalent d’être brulé vif.
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C’est vrai que la cause crise de bacon n’est pas officiellement reconnue lorsqu’un parent arrive en retard, à bout de nerfs et déjà épuisé à 8h du matin.
Mais le problème avec tout ça, ce qui m’agace très fort, c’est que ce sont des mots d’adultes. Et qu’en les utilisant, ben jamais on ne se met dans la peau de ces fameux terrible two.
Si on essayait, un instant, on comprendrait que le terrible, le VRAI terrible, c’est eux qui le vivent.
Souvenons-nous.
À la seconde où on connaît leur existence, à la seconde où on sait qu’ils nous ont choisis comme maison, le monde entier se met à tourner autour d’eux. À leur naissance, le moindre cri est calmé, la moindre larme est essuyée, et les soucis se résument à 3 choses : je suis fatigué, j’ai faim, j’ai peur. Tu es fatigué? On te berce. Tu as faim? On te nourrit. Tu as peur? On te rassure. Pas très compliqué tout ça.
Et là, un jour, ÇA CHANGE.
Tout d’un coup, ces toutes petites personnes réalisent qu’elles aiment certaines choses plus que d’autres, qu’elles ont des envies et qu’en plus, elles peuvent le faire savoir. Quel bonheur! doivent-elles penser. Ben non. Surprise! La vie, c’pas ça. Non seulement tu ne feras pas tout ce que tu veux, mais, en plus, tu seras aussi obligé de faire des choses dont tu n’as pas envie. Tu te feras dire non. Tu n’auras pas le contrôle sur ce qui se passe autour de toi et tu devras t’adapter à tout, même si ça ne te plaît pas.
Vous imaginez?
En ce moment même, pendant que j’écris tout ça, j’ai froid aux pieds, un peu mal à l’estomac, et suis un brin irritée parce que j’aurais voulu jardiner, mais qu’il pleut à verse et je suis fatiguée. Suis-je malheureuse pour autant? Non, pas une miette. Parce que j’ai appris à vivre avec tous ces petits inconforts. En fait, si je ne m’étais pas posé la question, je n’y aurais probablement pas pensé. Parce que, quand on réfléchit bien, il est très rare que nous soyons complètement exempts d’irritants. Un petit bobo, un souci qui nous trotte dans la tête, une mauvaise odeur, une personne qui parle trop fort, un courant d’air qui donne froid, etc. Mais nous avons appris; appris à continuer notre chemin et à faire notre bonheur malgré tout ça.
Ben voilà. C’est là qu’en sont ces fameux petits terrible two. Ils réalisent tout ça, x 1000. Parce qu’un enfant, c’est toujours x 1000. Sans retenue, sans filtre, toujours avec le coeur en avant. Je ne peux pas aller dehors parce qu’il est trop tard? Le drame. J’ai un nouveau ballon? Le plus beau jour de ma vie. Ma rôtie est coupée en 4 plutôt qu’en 2? Le drame. Manger une crème glacée? Le plus beau jour de ma vie. Papa m’a mis mes bas avant mes pantalons? Le drame. Sauter dans la piscine avec papa et maman? Le plus beau jour de ma vie. Je ne peux pas manger tous les biscuits dans la boîte? Le drame. Encore et encore.
Et après, on se demande pourquoi les enfants aiment tant les montagnes russes.
C’est vrai que c’est dramatique de réaliser que, dans la vie, on ne fait pas tout ce qu’on veut.
C’est encore plus dramatique d’avoir oublié à quel point ça l’est.
Et ça, c’est de notre faute, à nous, les adultes.
On ne pourra pas les sauver de ça. On devra leur apprendre que, dans la vie, la seule chose sur laquelle nous avons le contrôle, c’est nous-mêmes. On devra leur donner les outils pour être heureux PAREIL. Parce qu’on sait que ça se peut. Même si des fois ça fait mal. Même si des fois on ne comprend pas tout. Même si des fois, on voudrait nous aussi faire ce qu’on veut.
Je ne suis pas détentrice de la vérité absolue et suis très allergique aux gens qui croient avoir tout compris et qui prodiguent des conseils comme s’ils étaient le Messie.
Je suis loin d’être une sainte.
Moi aussi ça me met souvent hors de moi les crises de bacon pour tout et n’importe quoi.
Soyons les parents que nous voulons être, point final. Mais rappelons-nous que nous n’avons pas toujours su. Et soyons honnêtes. Nous avons TOUS des moments où une bonne crise de larmes face contre terre en tapant des pieds nous ferait le plus grand bien. Parce qu’une crise de bacon, on dira ce qu’on voudra, ça purge en titi. Pis la vie, ben c’est comme les pâtes carbonara (fallait bien que je plogue mon titre avant la fin) : sans bacon, ça manque de punch.