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Manger du papier (une histoire de prématurité)

Pour toutes les infirmières et le personnel soignant
de la néonatalogie du Centre Mère-enfant et de la pouponnière du CHUL.
Et pour tous les petits voisins et petites voisines de Tom,
en juillet et août 2021

 

Ils m’ont dit :

« La meilleure chose que tu peux faire pour ton bébé, c’est de tirer ton lait. »

 

Faque j’ai tiré.

Mon Dieu que j’ai tiré.

Jour et nuit, aux 3h, comme si mon bébé neuf avait été près de moi.

Parce que c’est ça l’affaire. Mon bébé neuf n’était pas avec moi.

C’est mon alarme qui me réveillait la nuit, pas lui.

 

Le 16 juillet 2021, à 2h50, je suis officiellement entrée dans une nouvelle communauté, un club sélect qui touche pas mal plus de gens que l’on croit : celui des parents de bébés prématurés, de préma comme on les appelle. Mon fils, trop pressé de voir le monde, naissait à 32 semaines et 6 jours de gestation, soit presque 8 semaines trop tôt.

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Le 16 juillet 2021, à 2h50, encore sur la table d’opération après une césarienne d’urgence, ma vie venait de virer boutte pour boutte. Parce que rien, rien ne nous prépare à ce qui suivra et à cet univers qui nous attend.

 

D’abord, il y a ELLES.

ELLES, des femmes en majuscules, des fées, des magiciennes. Des femmes pour qui mon admiration et ma gratitude n’ont d’égales que le bonheur que j’ai aujourd’hui d’avoir un bébé en santé : les infirmières. Parce qu’il faut savoir que lorsqu’on met un bébé pressé au monde, le temps qu’il passera en néonatalité est souvent égal au temps qu’il aurait dû encore passer à l’intérieur du ventre de sa maman. Parfois plus. Parfois bien plus.

 

Les infirmières deviennent notre port d’attache, celles qui veillent lorsque nous n’y sommes pas, mais aussi, lorsque nous y sommes. Celles qui maintiennent nos bébés en vie. Rien de moins.

Quand je pense à ELLES, je pense à M.-J. qui m’a accueillie lorsque j’ai vu mon fils pour la première fois, 4h après sa naissance, dans son isolette, branché et monitoré de partout. À K. qui était de garde le soir où j’ai eu mon congé, sans lui. Qui m’a rassurée à mon départ, et ensuite au téléphone, la nuit. À N. qui m’a tendu des mouchoirs alors que je tirais mon lait en pleurant près du lit de mon fils, derrière le petit rideau beige, seul rempart contre l’agitation d’une unité de soins néonataux. À D. qui, chaque soir pendant une semaine, attendait mon téléphone de 22h pour me donner le plus de nouvelles fraîches possibles et me permettre de dormir, un peu. À J. et à sa douceur, à G. qui aura su me faire rire alors que mon monde semblait s’écrouler et à toutes celles qui, en plus de veiller sur nos microscopiques merveilles, veillent aussi sur nous, faisant fi du nombre d’heures et de jours qu’elles viennent de faire sans s’arrêter.

 

À travers tout ça évidemment, il y a EUX.

Nos enfants. Nos miraculés. Ceux qui dans bien d’autres pays n’auraient jamais vu le jour et n’auraient jamais survécu à une telle naissance. Petits bébés de rien du tout, si forts et si fragiles à la fois. J’aurai eu la chance de donner naissance au plus gros de son unité (2000g, un vrai sumo) et surtout, d’avoir un bébé en santé qui allait suivre le cours de sa gestation sans grands heurts, mais dans mes bras plutôt que dans mon ventre. Petit géant qui allait, en 7 semaines d’hospitalisation, m’en apprendre bien plus que je ne pourrai lui en apprendre dans sa vie. Tous les jours, nous nous retrouvions pour nos 4h de kangourou (méthode du peau à peau); tous les jours, je retrouvais mon roc de 4,5 livres qui s’abandonnait sur moi et me rappelait à quel point nous étions forts lorsque nous étions ensemble. Au travers des cris et des machines qui sonnent et alarment, mon Tom, impassible, dormait contre sa maman et me rappelait que, si je ne me pardonnerais jamais complètement de n’avoir pu le mener à terme, je faisais là ce dont il avait besoin. Être près de lui et attendre, avec lui, que la vie suive son cours. Être sa maman.

 

Finalement, il y a NOUS.

Les parents. Les mamans.
Dans une unité de soins néonataux, nous n’avons plus de prénom. Nous sommes « maman de » ou « papa de ». Pendant 7 semaines, j’aurai tissé de liens avec des infirmières qui n’ont probablement jamais su mon prénom. J’étais « maman de Tom ». Et ça, ÇA, c’était tellement précieux. Parce que mettre un enfant au monde avant terme, être séparée de lui, ne pas pouvoir être celle qui subvient à tous ses besoins et ne pas être là 24h sur 24 pour le bercer, le consoler et l’endormir, c’est tout sauf se sentir comme une maman. Déchirée entre la culpabilité de ne pas avoir su le protéger plus longtemps et de ne pas pouvoir le faire maintenant qu’il est là, est sans nul doute l’une des choses les plus difficiles à porter lorsque nous sommes maman de préma. Alors ça, ce « maman de Tom », c’est le rappel qu’il nous faut.

 

Être maman d’un préma, c’est toujours courir entre la maison et l’hôpital. C’est ne jamais sortir de la maison sans la glacière, dans laquelle on a déposé tous les pots de lait tirés pendant la nuit. C’est utiliser régulièrement les mots brady, événements, désat, oxygène, gavage. C’est garder ses yeux fixés sur les moniteurs, à espérer que le petit coeur et la respiration tiennent le coup, que rien ne se mette à sonner.

 

C’est regarder le grand frère qui attend, sans comprendre, ce bébé dont on lui a tant parlé et qui lui prend sa maman. C’est regarder le petit, emmailloté dans son minuscule lit de plastique, avec ses tubes et ses fils, dormir dans un environnement bien moins doux que celui qui l’attend à la maison.

 

C’est s’ennuyer du grand quand on est auprès du petit, et s’ennuyer du petit quand on est auprès du grand. C’est dîner en vitesse dans sa voiture entre deux parties de son coeur en se disant qu’on prendra soin de soi plus tard, bien plus tard. C’est manger des bouts de papier d’emballage de sandwich parce qu’on dîne en conduisant et qu’on conduit en pleurant.

Être maman d’un préma, c’est n’être jamais complètement arrivé nulle part.

Être maman d’un préma, c’est être une aiguille sans fil sur une vie à coudre.

Être maman d’un préma, c’est sans aucun doute l’un des plus grands défis d’une vie. Aucun parent ne devrait quitter l’hôpital sans l’enfant qu’il vient de mettre au monde.

Mais être maman de préma, c’est aussi avoir passé des heures en peau à peau avec son minuscule bébé. C’est avoir passé des heures à chanter en boucle, sans relâche, pour qu’il s’accroche, qu’il grandisse, et qu’il rentre enfin. C’est bâtir ce lien indestructible qui nous liera à jamais à notre petit bébé pressé. Comme m’aura dit la pédiatre par un bel après-midi de juillet, « Ton bébé n’est pas né trop tôt, il est né le jour où il devait naître pour que toi et lui surviviez à sa naissance ». Ce sera devenu mon mantra pendant les semaines suivantes.

 

Aujourd’hui mon fils, mon Tom Pouce, mon géant, est au 98e rang percentile de poids.

Il sourit, toujours. Il grandit, vitesse grand V flottant entre ses deux âges, son âge réel et son âge corrigé.

 

En cette journée mondiale de la prématurité, je voudrais terminer en disant ceci.

 

À vous, parents de préma, vous êtes des guerriers, des vrais. Des lions et des lionnes, des loups et des louves qui veillent sur leurs petits peu importe où ils se trouvent. Entourez-vous, aimez-vous, et pleurez s’il le faut. La route sera longue et vertigineuse, mais vous finirez par retrouver votre tribu.

 

À vous, personnel des unités de soins néonataux. Les mots me manquent pour vous dire à quel point nous nous attachons à vous. À quel point nous ne vous oublierons jamais. À quel point vous êtes les réelles héroïnes et réels héros de l’histoire. Un « Merci » n’est pas assez grand pour vous témoigner l’immensité de ma gratitude. Sachez que chaque sourire de mon fils me ramène à vous et me rappelle qu’il est là, grâce à vous.

 

À vous, nos préma, nos petits guerriers, nos géants qui tiennent dans une main. Votre force est immense. Jamais, jamais je n’aurais cru être aussi apaisée par une si petite chose. Jamais je n’aurais cru apprendre autant de vos regards. N’oubliez jamais à quel point vous êtes aimés et à quel point vous aurez été couvés, même une fois dehors.

 

Finalement, à vous tous et toutes qui n’avez aucune idée de ce que c’est que d’être parents de prématurés sachez que oui, vous avez le droit de nous féliciter pour la naissance de nos minis bébés. Parce que nous-mêmes avons souvent tendance à oublier qu’au final, tout ça est beau. Que tout ça sera doux, bientôt.

 

Et promettez-moi que si vous croisez une femme avec une glacière, près d’une unité néonatale, vous lui sourirez. Parce que ce n’est pas un sandwich aux oeufs qu’elle traîne bien au frais. Ce sont son courage et sa résilience, dans de petits pots oranges.

 

 

Pour faire un don à Préma-Québec : http://www.premaquebec.ca/fr/comment-aider/faire-un-don/

 

Crédit photo : Sophie Vaillancourt-Léonard

 

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