Ce soir m’est venue l’envie de sortir de la maison me chercher des friandises au dépanneur du quartier. Pour la première fois en trop longtemps, j’ai descendu seule les marches du perron, en installant dans mes oreilles mes écouteurs, que j’ai trouvé tout poussiéreux au fond d’un tiroir que je n’ouvre jamais, et j’ai décidé de marcher jusque là-bas. Je n’avais pas croisé le premier coin de rue que j’ai réalisé que je ressentais un certain inconfort, ne sachant pas quoi faire de mes mains sans petites paumes à tenir, ou poussette à faire rouler devant moi, sans sac à couches à traîner sur l’épaule ou question sans queue ni tête à répondre pour la quinzième fois. J’ai donc mis mes mains maladroites dans mes poches, et j’ai continué à marcher, silencieuse, réalisant que je n’avais pas pris le temps d’être seule, d’être moi, depuis un si long moment, et cette réalisation m’a rempli les yeux de larmes.
J’ai essayé de me rappeler qui j’étais, ce qu’était la vie avant que je ne porte le titre de maman, et je n’arrivais pas à retrouver cet état d’esprit, comme un rêve qu’on essaie de raconter en se réveillant, mais qui nous revient en morceaux, sans qu’on ne puisse les recoller tous ensemble pour en faire du sens. Me rendre compte de mon incapacité à me replonger dans ma vie pré maternité m’a remplie de tristesse: nous, les mamans, au-delà de tout l’amour que nous éprouvons pour notre famille et nos enfants, sommes toutes des individus, et de prendre le temps de se retrouver en tant qu’individu devrait être plus qu’un exercice semi-annuel.
Être maman, je le réalise, est un jonglage quotidien entre les rôles de parent, de conjointe, d’employée et de femme. Dans toute cette commotion, il s’avère nécessaire de parfois mettre la main dans un vieux tiroir pêle-mêle, d’y prendre ses écouteurs et de fermer la porte derrière soi, pour exister tout simplement. Sans histoires, sans titres, sans conversations. Lors de ma première grossesse, des mamans m’avaient bien avertie de me vouer à ce genre d’exercice, et je leur avais assuré, la voix pleine de conviction, que je n’étais pas du genre à m’oublier, que ce n’était pas une inquiétude dans mon cas, mais ce soir, je me suis rendue compte que je m’étais prise les pieds dans le piège le plus subtil qui soit, celui des premières années d’un parent, de l’entrée dans la vie de la parentalité, ces premières années qui passent excessivement trop vite et dont l’intensité en laisse très peu indemnes et équilibrés.
J’ai gratté dans mes souvenirs pour revivre dans ma tête mes années au Japon, en Suisse ou en Angleterre, ces mois remplis d’une multitude de moments de profonde solitude. Tellement de choses, tellement d’expériences arrivées une à la suite de l’autre si rapidement, que je n’ai pas eu le temps de les digérer complètement. La vie passe parfois en coup de vent, il est important de prendre le temps, que ce soit l’espace d’un silence dans un café, d’une chanson entre nos deux oreilles en allant chercher du savon à vaisselle, de regarder en arrière pour assimiler ce que nous avons vécu, les conséquences de ces expériences sur notre individu et la manière dont celles-ci nous marquent, pour évaluer qui nous devenons, et si notre vie est alignée vers la personne que nous souhaitons nous voir devenir. Et ce soir, j’ai envie d’être et de demeurer une femme avant tout.
J’ai parcouru le chemin du retour, mes bonbons en mains, en me souhaitant être capable de vivre plus souvent ce genre de clarté mentale, et de passer la porte de ma maison plus équilibrée, ressourcée, et recentrée. En tournant la poignée de la porte, je laisse toutefois sur le perron la culpabilité d’avoir attendu si longtemps avant de me retrouver, en me rappelant que « de perdre pied par amour fait partie d’une vie équilibrée ».
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