ARTICLE
Quand l’enfant a toujours besoin du parent….pour jouer
Quand l’enfant demande toujours la présence de l’adulte dans ses jeux, cela pose la question de l’autonomie !
Est-ce que les parents ont tenté de répondre à la demande insatiable de présence que l’enfant manifeste ? Est-ce que les parents ont valorisé l’autonomie de l’enfant ?
- En considérant que l’autonomie est le but de l’éducation ?
- En respectant l’évolution de l’enfant sur le plan moteur et physique sans devancer les étapes ?
- En respectant le jeu de l’enfant quand il dessine, peint, fait des modelages ou des assemblages sans faire pour lui ?
- En livrant l’enfant à lui-même en certains moments, en vaquant, comme parent, à ses propres occupations, tout en ayant un œil pour assurer la sécurité ?
- En privilégiant et encourageant le jeu autonome de l’enfant ?
- En demandant la participation active de l’enfant dans différentes tâches au lieu de faire « tout » pour lui ?
Si la réponse est « Non » à ces questions, on peut penser que l’enfant n’a pas eu l’occasion de développer une présence à soi, une conscience de soi et de sa place en ce monde, en-dehors de ses parents. Il en est donc dépendant ! Pour se sentir vivant « au-dedans », il doit sentir le regard du parent centré sur lui. Il doit sentir qu’on lui donne « Tout », sans quoi il tombe dans le « Rien » et il s’ennuie.
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Apprivoiser le désir
Le « Rien » est en fait un désir de présence. Ce désir permet à chaque être humain d’élaborer des projets, en lien avec son désir propre. Il permet de bouger, de se déplacer pour réaliser son désir. Donc, il permet d’accomplir des choses par soi-même et pour soi-même en se développant comme personne de plus en plus mature. Le désir ressemble à l’espace laissé libre dans les petits casse-têtes carrés où on retrouve des chiffres et un espace vide pour les faire bouger. Sans ce « Rien », ce « désir », on ne peut pas jouer le jeu. Toutes les pièces demeureraient immobiles. Donc, si on fait le parallèle, pour suivre le mouvement de la vie, on a besoin de sentir son désir propre; c’est ce qui nous guide vers la plénitude en soi en le comblant par notre engagement face à la vie dans des projets variés selon l’âge.
Donner des limites : oser livrer l’enfant à lui-même
Il faut dire que la demande de l’enfant, au début de la vie, semble être « sans limites ». À savoir que l’enfant demanderait une présence constante auprès de lui qui le validerait dans le fait d’exister, qui donnerait sens à sa vie.
Toutefois, un des rôles importants des parents est d’affirmer des limites face à la demande « totale », de frustrer l’enfant en quelque sorte pour qu’il puisse exister en-dehors de l’autre. Pour qu’il quitte la fusion et la symbiose vécues auprès des personnes qui en prennent soin. En fait, l’enfant a un travail d’intériorisation de la présence de l’autre à faire pour apprendre à se donner à lui-même une présence ressentie de l’intérieur. Donc, peu à peu, devenir autonome et constater qu’il est capable de se donner du « bon » et de s’amuser seul, de se nourrir seul, de s’habiller seul, bref, de prendre soin de lui seul. Ce processus d’intériorisation de la présence s’effectue jusqu’à l’âge adulte, et même plus tard, lorsque l’enfant a été peu soutenu et peu valorisé dans l’accompagnement reçu petit. Comme si l’enfant devait apprendre à s’automaterner et à s’autopaterner (Françoise Dolto). Il doit reprendre pour lui-même les bons soins de l’autre et sa présence pour graduellement s’en détacher en devenant de plus en plus autonome.
Ce rôle de « castration », identifié en psychanalyse, est essentiel pour comprendre les limites au désir insatiable et apprendre à reposer sur soi-même et sur son propre potentiel pour bouger et réaliser concrètement son désir dans des actions et des projets constructifs qui respectent les interdits. Ainsi, l’enfant fait de plus en plus par lui-même, pour lui-même. Pour s’humaniser et devenir un individu autonome, les limites sont nécessaires. L’enfant accède alors à une vie plus riche et plus créative que s’il demeurait accroché à papa-maman.
Sevrer l’enfant de votre présence et favoriser ainsi l’intériorisation
Quand l’enfant demande constamment votre présence dans ses jeux :
- Prendre graduellement une distance et réaffirmer l’enfant dans son potentiel de bien prendre soin de lui par lui-même.
- Aider l’enfant à vivre le sevrage nécessaire au développement de son autonomie.
- Cesser de tout faire pour l’enfant. Le laisser se comparer à lui-même dans ses différentes productions (dessins, modelages, peintures, assemblages). Éviter de faire pour lui car l’enfant en vient à penser que, sans vous, il n’y arrive pas.
- Faire connaître vos besoins, désirs, projets occupations qui sont différents des siens pour que l’enfant constate que votre vie ne tourne pas juste autour de lui.
- Apprendre à dire « Non » en lui donnant des limites claires.
- Faire remarquer à l’enfant son beau potentiel qu’il possède en lui-même.
- Cesser d’interférer dans ses jeux libres.
- Encourager l’enfant avec ses idées originales : lui faire prendre conscience que ça vient de lui ces bonnes idées (et non de vous).
- Renforcer son jeu autonome. Lui faire prendre conscience de ses réalisations et de tout ce qui émerge de lui comme personne unique.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
Référence
Jocelyne Petit, Vie de Parents, Rendre nos enfants autonomes et responsables, est-ce possible ?