« Regarde-moi! », « Je veux tes yeux! » sont des paroles souvent prononcées par le parent, particulièrement lors de conflits avec l’enfant. Parfois, le parent touche le menton ou la joue de l’enfant pour capter son regard. La communication corporelle et non-verbale livre la plus grande partie d’un message, plus encore que les mots. En fait, les humains sont les seuls êtres vivants à se regarder durablement dans les yeux. Les autres espèces animales évitent de croiser le regard. Les yeux reflètent les émotions et les sentiments. Il y a donc un message qui passe par les yeux. Pourquoi l’enfant fuit-il le regard ?
Fuir le jugement
L’enfant pris en faute peut fuir le jugement de son parent. Si le regard est accusateur, l’enfant se sent coupable. Il peut avoir honte. Il peut avoir peur du blâme et de la critique.
Fuir la mise à nu
Regarder son parent l’expose à une mise à nu de ses propres émotions puisque le regard communique nos émotions.
Fuir la vulnérabilité
L’enfant qui a commis une erreur peut se sentir vulnérable. Il ne veut pas être perçu dans cette vulnérabilité.
Fuir pour se protéger
Bref, pour se protéger de l’énergie négative, la sienne et celle du parent, l’enfant regarde ailleurs. Il fixe le sol, fuit le regard ou prend une position de repli fermée. De cette manière, il ne laisse pas entrer le négatif, qui autrement l’assaillirait et l’envahirait.
Le jeune enfant
Le jeune enfant a de la difficulté à fixer le regard sur une chose en particulier. Son regard s’intéresse aux objets et aux mouvements. Ses yeux se baladent continuellement d’un point à l’autre, selon les stimulations du moment (1). En vieillissant, toutefois, son regard se fixe sans qu’on ait à le demander. Lors d’un conflit, il vaut mieux se placer à côté de l’enfant plutôt que face à lui. Cette position est moins menaçante. Elle est moins perçue comme une confrontation (1). L’ouverture de l’enfant devient plus facile.
Se demander « Que communique notre regard? »
Pour favoriser l’ouverture de l’enfant et l’ouverture dans la communication, il devient important de se demander ce que notre regard transmet comme message non-verbal. En effet, en reconnaissant que les émotions transparaissent dans nos yeux, si notre regard est acéré et dur et qu’il communique de la colère, de la déception, de l’agressivité, il est certain que ce sera difficile pour l’enfant de nous regarder en face. Si, par contre, nous communiquons de la compréhension, de l’espoir de résoudre le conflit positivement, si notre regard n’est pas accusateur et culpabilisant, il y a des chances que l’enfant relève la tête et ose nous regarder dans les yeux. C’est-à-dire que, même si nous vivons une émotion négative, plus nous la contenons avec une certaine maîtrise de soi, moins elle sera projetée sur l’enfant dans notre regard et plus la communication pourra s’installer dans l’ouverture. Notre regard a intérêt à toujours valider la dignité de l’enfant et à lui communiquer de l’amour. Et cela, même si le moment est difficile. Le regard du parent est vital pour l’enfant. C’est par ce regard que l’enfant se sent exister. L’enfant baisse les yeux quand il sent un jugement négatif sur sa personne et sur ses gestes. Lorsqu’il sent que ce sont des reproches qui lui seront adressés. Il ne veut pas « perdre la face ».
Il ne sert à rien de forcer le regard
Ainsi, il est préférable de ne pas forcer le regard de l’enfant, encore moins de le toucher pour ce faire. Ces attitudes démontrent une insistance qui ne rend pas la relation bienveillante et démocratique. La recherche de solutions réparatrices et réconfortantes a intérêt à se faire entendre dans les mots utilisés et le ton. L’enfant est très sensible. « Les yeux sont le miroir de l’âme » nous dit un dicton populaire. En fait, le regard est puissant! Beaucoup d’énergie se communique par les yeux. Devant le comportement de fermeture temporaire de l’enfant, le parent ne doit pas tomber dans l’impuissance. Il doit plutôt comprendre la complexité de ce qui se joue à ce moment-là pour l’enfant comme pour lui.
Parler en « Je » sans forcer l’ouverture, sans forcer le regard
« Je vois que tu penses à ton affaire. Peut-être es-tu déçu de ce qui vient de se passer? J’aimerais qu’on en parle et je me sens mieux comprise quand tu me regardes, si c’est possible pour toi… », « Quand tu me regardes, je me sens écoutée! » Il est aussi possible d’accorder un temps de répit à l’enfant, le temps de se calmer et de se donner une contenance quand on perçoit sa fermeture.
En conclusion
L’enfant a besoin de sentir que son parent est « avec lui » et non « contre lui ». Il a besoin de sentir que son parent va l’aider à voir plus clair, pour ensuite réparer ses erreurs après les avoir reconnues avec son aide. Notons que tout processus éducatif comme tout processus d’apprentissage s’effectuent en faisant des essais-erreurs desquels on apprend avec le temps et la pratique.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
Références
Jocelyne Petit et CPE Joli-Cœur, Peut-on obliger un enfant à nous regarder lors d’un conflit, 2018 (sur le Web)
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