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Orienter les enfants dans un monde d’écrans
L’utilisation d’écrans divers est un phénomène qui est en hausse dans la vie des familles. Et les écrans ont un pouvoir d’attraction puissant chez les enfants. Notre rôle comme adulte accompagnateur et protecteur, qui assure la sécurité et le bien-être de l’enfant, est de l’orienter dans cette jungle médiatique, de lui donner des repères solides pour ne pas qu’il se perde. C’est important de ne pas s’en laver les mains ni de démissionner devant la complexité de la tâche d’éducation. Les enfants ont tendance à beaucoup aimer les écrans qui exercent chez eux un magnétisme certain. Les écrans sont les téléphones intelligents, les tablettes, la télévision, les jeux vidéo, les ordinateurs et la technologie portable. De nos jours, les enfants sont exposés à ces différents écrans. Quels effets positifs en retirent-ils ? Quels risques courent-ils ? Et comment les orienter pour qu’ils gardent le cap ? Voilà des questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cet article.
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Les effets potentiellement positifs
- À compter de 2 ans, les émissions de télévision bien conçues et bien adaptées à l’âge de l’enfant peuvent favoriser le langage et l’alphabétisation de l’enfant lorsqu’elles comportent des objectifs éducatifs. Elles peuvent aussi encourager le développement cognitif et favoriser des attitudes positives envers les ethnies en véhiculant le respect des différences.
- Les livres numériques peuvent aider à reconnaître des sons et des mots.
- Certaines ressources disponibles pour les enfants permettent d’acquérir des attitudes pour contrer la violence, apprendre l’empathie, la tolérance et le respect.
- Lorsque l’enfant est agité ou angoissé, l’utilisation d’un écran peut avoir comme effet de le calmer.
- Les jeux vidéo peuvent contribuer au développement de la logique, des habiletés visuelles et spatiales et de la capacité à résoudre des problèmes.
- Les jeux vidéo peuvent stimuler l’attention, la motivation, la concentration, la mémoire, la résolution de problèmes, la patience en plus de développer la coordination œil-main.
- Les expériences vécues avec les écrans divers peuvent susciter des échanges avec d’autres enfants qui partagent les mêmes expériences.
- Les expériences vécues avec les écrans peuvent permettre de conserver sa motivation à long terme et de persévérer jusqu’à la réalisation d’une tâche. Cet engagement peut se poursuivre dans d’autres activités.
- Il arrive que certaines applications donnent envie de pratiquer des activités sportives.
Les risques potentiels
- Un retard de langage peut être observé quand l’enfant est exposé aux écrans trop jeune (avant 2 ans) et quand il vit une surexposition.
- La télévision en arrière-plan nuit au langage, à l’attention, au développement cognitif. Elle diminue la quantité et la qualité des échanges parent/enfant et distrait l’enfant dans ses jeux.
- Un contenu violent ou un déroulement rapide peuvent nuire aux fonctions exécutives (mémoire de travail, planification, inhibition, flexibilité mentale).
- L’utilisation excessive des écrans durant la petite enfance peut causer des problèmes d’autorégulation (difficulté à maintenir un équilibre, un rythme régulier, une harmonie dans le fonctionnement).
- Le risque de sédentarité est observable avec le risque d’accumuler une surcharge de poids qui peut persister plus tard dans la vie.
- L’exposition à des publicités en regardant la télévision commerciale présente des aliments à faible valeur nutritive et encourage le grignotage. Par ailleurs, manger devant un écran quelconque brouille les signaux de faim et de satiété et peut engendrer une surconsommation d’aliments.
- Les troubles du sommeil sont augmentés quand l’enfant est exposé à un écran avant l’heure du coucher, soit 1 heure avant le coucher, car la lumière bleue qui se dégage de l’écran altère la synthèse de la mélatonine, l’hormone du sommeil. L’endormissement est ainsi retardé.
- La lumière bleue qui se dégage des écrans a des effets néfastes sur la rétine. On observe une augmentation fulgurante de la myopie (Québec Science).
- Lorsque l’enfant est surexposé aux écrans, il développe une moins bonne motricité observable lors de son entrée à l’école (courir, sauter, lancer, dessiner, découper, etc.)
- Plusieurs risques sont observables lorsque l’enfant est surexposé aux écrans : de faibles habiletés sociales, de l’isolement, des capacités cognitives moins élevées, un mauvais contrôle de ses émotions et de ses comportements, une difficulté d’attention, une mauvaise estime de soi, une mauvaise posture pouvant causer des problèmes musculosquelettiques.
- Certains jeux vidéo véhiculent des valeurs de vitesse, de compétition, de violence, des stéréotypes à l’égard des femmes et des nationalités, entre autres.
- Certains jeux vidéo rassemblent des joueurs inconnus de tous les âges. Des discussions pourraient ne pas convenir à un enfant.
- Le risque de développer une dépendance en adoptant une conduite addictive où la coupure du mondé réel s’effectue est observable. De plus, cette dépendance peut se poursuivre plus tard.
Orienter l’enfant dans cette jungle médiatique
- Privilégier les expériences dans le monde réel sans écran: échanges de qualité directs et spontanés, jeu libre, activités physiques, repas pris sans écran, jeux actifs, jeux extérieurs, lecture, contacts avec d’autres enfants et adultes, jouets traditionnels tels que les casse-têtes, le bricolage, les jeux de ballon, etc. Ne pas interdire les écrans car ce serait priver l’enfant de ressources qui existent bel et bien dans l’univers dans lequel il grandit. Tôt ou tard, il y sera confronté. Ce qui importe c’est de l’outiller et de l’orienter.
- Donner des balises claires et des limites à ne pas dépasser. Les chercheurs en petite enfance recommandent de ne pas exposer les enfants de moins de 2 ans aux écrans. De 2 ans à 5 ans, ils parlent d’une heure d’exposition maximum par jour (Société canadienne de pédiatrie) et de 2 heures maximum pour les enfants de 5 à 11 ans, tous les écrans confondus (Directives canadiennes en matière de comportement sédentaire). Éviter de garder le téléviseur allumé en arrière-plan. Débrancher les écrans quand ils ne servent pas. Fermer les écrans pour l’enfant 1 heure avant le coucher.
- Faire connaître le sens recherché : la connaissance, le plaisir, le divertissement sain. Plus l’enfant vieillit, plus il est exposé à différents contenus. L’orienter vers des contenus de qualité, en consultant Edululu, pour le classement des jeux vidéo et en discutant avec lui des contenus choisis. Privilégier des contenus sans publicité.
- Faire connaître les obstacles et les pièges sur la route. Avec les enfants plus vieux, discuter des contenus possiblement étranges, violents, inappropriés et les mettre en garde. Discuter de la possibilité de se trouver sous l’emprise du monde virtuel et de vivre une dépendance qui peut mener à l’isolement. Exercer un contrôle parental.
- Orienter vers la liberté et l’autonomie face aux écrans. Outiller l’enfant pour qu’il garde une distance saine face à ces sources de plaisir et qu’il préserve son autonomie. Communiquer la valeur de modération dans l’utilisation des écrans.
- Accompagner l’exploration du monde virtuel. Ouvrir la voie. Montrer le chemin. Accompagner l’enfant lorsqu’il est devant un écran. Discuter avec lui des contenus, des valeurs véhiculées, des découvertes, des apprentissages. Montrer à l’enfant à bien se servir de ces ressources. Mettre les écrans disponibles dans une zone passante de la maison et non dans la chambre de l’enfant. Remettre en question les stéréotypes présentés dans certains contenus. Porter attention aux valeurs véhiculées sur le genre, l’image corporelle, la violence, la diversité, les enjeux sociaux ou autres contenus problématiques.
- Donner le bon exemple. Démontrer des habitudes positives face aux écrans en limitant sa propre utilisation des écrans en présence des enfants, en éteignant les écrans non utilisés, en appliquant les recommandations ci-haut mentionnées.
- Éviter de punir ou de récompenser l’enfant avec le temps d’écran. Cela ne ferait que rendre les écrans encore plus attrayants.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
Références
Société canadienne de pédiatrie, Le temps d’écran et les jeunes enfants : promouvoir la santé et le développement dans un monde numérique, mise à jour novembre 2020
Marine Corniou, Revue Québec Science, Effet des écrans : que dit la science? mars 2018
Équipe Naître et Grandir, Revue Naître et Grandir, Les écrans et les enfants, juin 2019
Équipe Naître et Grandir, Revue Naître et Grandir, Gérer les écrans : conseils pour les parents, juin 2019.