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L’accusation de l’autre : source de conflits

Dans le processus de différenciation des êtres humains émergent des conflits. La manière d’aborder ces conflits et de les résoudre importe énormément. Or, très souvent, l’accusation de l’autre fait partie des échanges entre le parent et l’enfant et entre les conjoints. Cela envenime les situations et rend parfois les conflits insolubles. D’où l’importance de bien examiner ses interventions pour éviter autant que possible l’accusation de l’autre.

Accuser l’autre

Que signifie accuser l’autre? Cela signifie de rendre l’autre responsable et coupable d’un malaise ressenti en soi ou d’une différence perçue. C’est un message qui dit essentiellement ; « C’est de ta faute si je me sens comme ça! ». L’accusation de l’autre permet de projeter le blâme à l’extérieur de soi et ainsi de se sentir plus libre de toute responsabilité. Si le climat se détériore et que ça va mal, ce n’est pas à cause de soi! C’est à cause de l’autre! L’autre n’a pas fait ce qu’il faut. L’autre est dans l’erreur. L’autre a un problème! C’est à l’autre de bouger et de changer de position pour résoudre le conflit en cours. Quant à soi, on s’en lave les mains!

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Accuser l’autre le met au pied du mur. Cela crée une ambiance désagréable au possible. Toutefois, l’accusation de l’autre, enfant ou adulte, est très fréquente. Elle met le partenaire de la relation sur la défensive et dans une position de fermeture. Cela crée de mauvaises conditions. L’autre peut chercher à sauvegarder sa dignité et son estime de soi et est heurté de plein fouet par l’accusation, la dévalorisation de soi et la critique qu’elle engendre. L’énergie investie dans l’échange monte d’un cran. La colère n’est pas loin. Elle vient alimenter l’échange. On est en terrain miné!

Comment se sortir de l’accusation de l’autre?

On peut se sortir de l’accusation de l’autre en assumant la responsabilité de son ressenti quel qu’il soit et en parlant en utilisant le « Je ». Assumer son ressenti c’est devenir responsable de tout ce qui se passe en soi, y compris l’inconfort, la gêne, la malaise, l’agressivité, la colère, la désorientation, etc. C’est occuper une position mature dans la relation, une position où on est à la fois attaché(e) et détaché(e) de l’autre, une position reliée et séparée de l’autre au même moment. L’autre n’est plus blâmé pour la réaction que l’on a avec un comportement qu’il a adopté (geste, parole, attitude, etc.). Cette réaction nous appartient totalement. Nous en sommes responsables, de même que nous sommes responsables du désarroi et de la désorganisation que cette réaction peut produire en nous. C’est à nous de prendre soin de nous-mêmes et de faire connaître à l’autre notre position. Peut-être n’est-ce pas le bon moment pour nous pour discuter avec l’autre comme la tension est présente. Prendre soin de soi signifie attendre le moment où le calme-en-soi revient et se donner des moyens de se calmer (marche, écriture, musique, méditation, etc.). Ainsi, on peut se sortir de l’accusation de l’autre et on peut communiquer plus aisément lorsque le calme est revenu.

Les avantages du message « Je »

Parler en « Je » exige de la pratique quotidienne. Il s’agit en fait d’une position occupée dans la relation à l’autre. Que ce soit avec un enfant ou un adulte, la technique est la même.

Le message énoncé en « Je » a l’avantage de ne pas accuser l’autre, enfant ou adulte. Ainsi, il ne contribue pas à ériger la défensive de l’autre. Ce dernier n’a pas à se protéger de l’invasion de l’autre sur son territoire. La personne qui parle en « Je » assume son expérience et en prend l’entière responsabilité. Ainsi, pas de blâme, pas de critique et pas d’accusation. Le message énoncé en « Je » a l’avantage de détendre l’atmosphère. Cela est d’autant plus perceptible quand il y a un conflit, une divergence de points de vue ou encore une limite dépassée. L’ambiance demeure donc sereine et le dialogue constructif peut avoir lieu. Durant ce dialogue, la personne énonce ses perceptions et écoute celles de l’autre, en la questionnant s’il y a lieu.

Énoncer ses perceptions

« Quand je vois telle chose (actions, gestes, paroles, comportements, etc.)

Je me sens de telle façon (tristesse, colère, peur, embarras, surprise, frustration, etc.)

Et cela a pour conséquence (« Je me ferme », « Je me retire », « Je n’ai pas le goût de… », « Ça fait mal… », « Ça peut briser… », etc.)

En fait, la personne qui parle en « Je » énonce et décrit

  • Ce qu’elle observe
  • Ce qu’elle ressent
  • Les conséquences ou effets encourus par ces observations

Éviter le message « Tu »

Jacques Salomé (1) nous parle du message « Tu » qui tue! Dire « Tu me fais fâcher! », ou encore « Ne me fais pas fâcher! », « Tu me mets à bout de nerfs! » sont des messages « Tu » qui ramènent la responsabilité de son ressenti personnel à l’autre. Cet autre, enfant ou adulte, peut alors se braquer et résister à la prise de conscience souhaitée. Le message « Tu » ne rejoint pas l’autre positivement et ne favorise pas son évolution vers une autre position. L’autre se défend et se ferme ou attaque à son tour. C’est la lutte de pouvoir! Le dialogue est compromis car l’écoute mutuelle n’est pas assurée.

Respecter le territoire et l’espace de chacun des partenaires

Chacun a intérêt à demeurer sur son territoire et assumer la responsabilité de son expérience personnelle. L’espace de l’autre n’est pas envahi ni par la parole ni par le toucher. Lorsque la soupe devient chaude, chacun se situe dans son espace personnel et respecte l’espace de l’autre. Cela crée de meilleures conditions pour établir le dialogue.

Ne pas s’approprier l’émotion de l’autre

Éviter les formulations du genre; « Il m’a fait toute une crise! ». La crise appartient à la personne qui la vit. « Je suis dérangé(e) par la crise! » est une formulation plus appropriée et plus autonome. Lors d’un conflit, par exemple, chacun ressent des émotions. Elles sont personnelles. Chacun doit les assumer comme telles.

Éviter la projection de son énergie

Quand on est touché par une situation quelconque, la tendance à projeter son énergie sur l’autre en le rendant responsable de ce qui nous arrive est très fréquente. C’est justement dans ces moments critiques que le message « Je » peut aider à reprendre son souffle en revenant à son ressenti personnel et en l’exprimant. « Je suis en colère parce que j’ai vu…et cela a pour conséquence… », « J’avais besoin de… ». Récupérer son énergie en soi et s’énoncer en « Je » peut certainement aider à résoudre le conflit en cours plutôt que de projeter son énergie (cris, paroles humiliantes ou culpabilisantes, touchers invasifs, etc.).

Donner le bon exemple

Quand on parle en « Je », l’enfant ou l’adulte partenaire de la relation perçoit un modèle qui encourage à occuper une position existentielle responsable et autonome. Cela donne un bon exemple. Et cela ouvre la porte au dialogue quand chacun des partenaires s’énonce en « Je » pour faire connaître :

  • Ses observations
  • Ses besoins
  • Ses désirs
  • Ses perceptions des conséquences et des effets des comportements observés.

Faire attention aux faux « Je »

En se pratiquant à parler en « Je », il se peut que l’on se surprenne à énoncer un faux message « Je ». En effet, revenir à soi et à sa responsabilité ultime n’est pas toujours facile. Ainsi, on peut s’entendre dire : « Je sens que tu me mets en colère! ». Bien que le « Je » soit présent, le « Tu » l’est aussi et il influence le message en accusant l’autre, en le culpabilisant. Il faut alors se reprendre et dire plus directement « Je suis en colère quand je vois… ». « Je pense que tu… » peut aussi être trompeur. On doit donc faire attention.

Quand utiliser positivement le « Tu »

Quand l’autre, enfant ou adulte, s’énonce pour dire ses perceptions, on peut à ce moment utiliser le « Tu » qui ne fait pas mal à l’autre et qui ne l’accuse de rien, du genre : « Je comprends que tu as de la peine parce que… ». Quand on reflète à l’autre ses perceptions et ses émotions, il convient d’utiliser le « Tu ».

L’important est de ne pas accuser l’autre

En conclusion, l’important est de se frayer un chemin en dehors de l’accusation, de la culpabilisation, du jugement, du blâme, de la critique. Ce sont tous là des obstacles à la communication et au dialogue constructif entre les personnes , nous dit Thomas Gordon(2).

Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation

Références

(1) Jacques Salomé, Heureux qui communique, Éditions Pocket, 2006

(2) Dr Thomas Gordon, Parents efficaces, Éditions Marabout, 2008

Jocelyne Petit et CPE Joli-Cœur, Comment parler en « Je » en situation de conflit? 2019 (sur le Web)

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