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La résolution de conflits entre enfants
DEVONS-NOUS IMPOSER DES EXCUSES LORS D’UN CONFLIT ENTRE ENFANTS ?
Plusieurs adultes interviennent rapidement lors d’un conflit entre enfants en demandant au « fautif » de s’excuser. Cette intervention devient presque automatique et constitue la résolution du conflit imposée par l’adulte, sans qu’il y ait vraiment une réflexion des enfants sur le dit conflit.
Or, pour que l’excuse amène la résolution du conflit, elle doit être consentie, ressentie viscéralement par l’enfant qui a compris que son geste est déplacé ou encore qu’il a fait mal à l’autre. L’excuse doit être sincère. Si elle est forcée par l’adulte, elle risque bien de ne pas être efficace. Et si la demande de l’adulte s’accompagne d’une menace « Sinon, tu…. », l’enfant « fautif » est coincé. L’adulte exerce alors un pouvoir autoritaire qui domine l’enfant et nuit à la prise de conscience de l’erreur commise.
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Sous pression, l’excuse peut même être prononcée de manière provocante « Je m’ex-cu-se !!! »; il n’y a aucun regret. L’enfant acculé au pied du mur peut entretenir des sentiments de colère et le problème resurgira de plus belle, dans un bref délai, car il n’est pas résolu.
L’adulte sensible et bienveillant qui aide les enfants à résoudre leurs conflits (Voir le texte paru dans Vie de parents « Comment aider les enfants à résoudre leurs conflits? »), cet adulte peut observer que l’excuse serait une bonne solution au problème et que l’enfant est prêt à la formuler. Il peut alors demander aux enfants « Quelles solutions conviendraient pour régler notre problème? ». Et selon la réponse des enfants, suggérer « Si tu es désolé, tu peux le dire, peut-être que ça fera du bien et que tout le monde se sentira mieux ? ». Il s’agit d’une suggestion non d’une imposition!
Il est important de retenir que l’excuse n’est pas l’unique solution aux conflits vécus par les enfants. Il vaut mieux impliquer les enfants dans la recherche de solutions autres au problème. Cette intervention favorise leur prise de conscience, développe leurs habiletés sociales et les engage dans des gestes réparateurs.
COMMENT AMENER UN ENFANT À RÉPARER SON TORT APRÈS UN CONFLIT?
Pour réparer son tort, l’enfant doit démontrer la maturité nécessaire à la prise de conscience du conflit (3 ans et plus, selon les observations de l’adulte). L’enfant a alors une occasion de se reprendre et de retrouver une énergie positive en posant un geste positif. Son estime de soi est rehaussée.
Un exemple fréquent : Un enfant construit une tour de blocs. Sa sœur passe à côté, regarde la tour et donne un coup de pied dessus. Le premier enfant est en pleurs. Que faire comme adulte ? Si on applique ce qui est dit dans le texte « Comment aider les enfants à résoudre leurs conflits? »,
- Se calmer (et calmer les enfants)
- Nommer les sentiments (colère, envie?)
- Comprendre le problème
- Reformuler le problème
- Demander des solutions aux enfants
- Encourager les enfants.
C’est à la cinquième étape que la question peut être posée « Comment faire pour réparer? » Une fois la question posée, l’adulte écoute les idées des enfants. Si l’idée de refaire la tour n’est pas énoncée, il peut la suggérer, avec un point d’interrogation à la fin « Est-ce que ça conviendrait que tu refasses la tour? » Si l’idée est retenue, on passe à la sixième étape où l’on encourage les enfants de bien avoir résolu leur problème. « Bravo! »
La réparation s’inscrit dans une approche de bienveillance face à l’enfant. Dans cette approche, l’erreur est humaine et normale. Elle n’est pas dramatisée, culpabilisée, punie sévèrement. L’adulte cherche avant tout à favoriser la prise de conscience de l’enfant du mal causé. Il soutient la « victime » pour qu’elle énonce ses besoins et désirs et qu’elle soit respectée. La réparation fortifie l’enfant et l’aide à développer ses habiletés sociales.
Exemples de gestes réparateurs :
- Faire un dessin pour le donner à la personne touchée
- Nettoyer l’endroit sali
- Faire un toucher doux et réconfortant si l’autre l’apprécie
- Offrir quelque chose qui plaît à la personne touchée
- Reconstruire ce qui a été démoli
- Offrir de rendre un service apprécié par la personne touchée
- Formuler des excuses sincères ressenties
- Faire une carte où l’enfant exprime son regret
- Apporter à la personne touchée un jouet favori
- Toute autre bonne idée des enfants
(Soit dit en passant, la réparation s’applique autant aux adultes qu’aux enfants lors de conflits.)
POUVONS-NOUS FORCER LE REGARD DE L’ENFANT LORS D’UN CONFLIT?
« Regarde-moi! », « Regarde-moi! », « Je veux tes yeux! » Combien souvent, l’adulte force le regard de l’enfant en insistant et parfois même, en touchant l’enfant pour tenir son menton pour que les regards se croisent. L’adulte veut être pris au sérieux ! Mais Betsy Evans (1), spécialiste internationale des conflits entre les enfants, nous dit que les yeux des jeunes enfants ont de la difficulté à focaliser sur un point fixe. Ils se baladent continuellement d’un point à l’autre, selon les stimulations du moment. C’est en vieillissant que l’enfant plus mature devient capable de regarder longtemps un même point. Alors, il n’est pas utile de demander à un jeune enfant de nous regarder pendant que l’on cherche à résoudre un conflit. Il vaut mieux prendre position à côté de l’enfant, et non pas en face; c’est moins confrontant ! Et même pour l’enfant plus vieux, il n’est pas recommandé de forcer le regard. Tout au plus, pouvons-nous énoncer notre désir d’être entendu et écouté en parlant en « Je ». « Quand tu me regardes, je me sens bien parce que je me sens écoutée et tu sembles porter attention à ce que je dis ! » Ces paroles demeurent bienveillantes ! Elles sont énoncées sur un ton calme et posé, non un ton autoritaire et dominant. Cela fait toute la différence !
Si le regard de l’adulte communique de l’hostilité, de la colère, un jugement négatif, l’enfant aura de la difficulté à le soutenir. Par contre, s’il communique de l’espoir de résoudre ensemble le problème, de la compréhension, de l’indulgence, il sera plus facile pour l’enfant de regarder, car il perçoit alors une énergie positive qui est « avec » lui et non « contre » lui !
Ce qui importe vraiment, c’est, en ne forçant pas le regard de l’enfant, de vivre le processus de résolution de problèmes en 6 étapes, tel que présenté plus tôt et décrit plus en détails dans le texte cité.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
- Betsy Evans, adaptation française Karine Robert, Résolution de problèmes en milieu éducatif, 21 situations illustrées, Chenelière Éducation, Montréal, 2017.