ARTICLE

La positivité toxique dans le couple et dans la famille

Les tenants de la « pensée positive » à tout prix ne se rendent pas compte que cette position existentielle peut être toxique dans le couple et dans la famille auprès des enfants. En effet, leurs intentions sont bonnes : profiter au maximum du positif de la vie, voir le verre à moitié plein plutôt que le voir à moitié vide, savourer tous les plaisirs de la vie, voir le bon côté des choses, se concentrer sur le positif de toute expérience, etc. Or, en n’acceptant de voir que le positif, ils refusent de voir le négatif et n’arrivent pas à le supporter pour eux-mêmes ou pour les autres, enfants ou adultes.

 

Le besoin de soutien et de compassion

Lorsqu’une personne vit une expérience négative qui implique des perceptions et des émotions négatives, elle a besoin de soutien et de compassion. Elle a besoin d’être reçue dans ses perceptions et ses émotions pour que le processus de prise de conscience dans lequel elle est engagée suive son cours. Sans cette réceptivité de l’autre et sans cette sensibilité, la douleur prend le dessus et la communication à l’autre est rompue. Cet autre qui tente à tout prix de faire ressortir le positif de la situation.

Publicité

 

Des stratégies utilisées pour ramener le positif

Plusieurs stratégies peuvent être utilisées pour ramener l’autre dans le positif. Lui faire la morale « Tu devrais… », « Sois donc positif! », « Passe à autre chose! », « Dis-moi pas que tu t’accroches encore dans les fleurs du tapis! », « Dis-moi pas que tu es encore prise dans un problème! ». Changer carrément de sujet pour chasser les idées noires. Divertir, esquiver en rigolant, chantant, dansant et autres pitreries pour faire rire et transformer l’atmosphère lourde en une atmosphère plus légère et ludique. Ridiculiser en diminuant le propos et l’expérience de l’autre « Ce n’est rien ! ». Critiquer en disant que les perception et émotions sont exagérées. Dénigrer « Tu ne devrais pas…! »

 

La douleur du jugement

Le ressenti de l’autre est alors jugé quand ces stratégies sont utilisées. Il est irrecevable et inacceptable. La solitude peut être vécue sous le coup de ce jugement. C’est comme si le jugement énonçait un verdict : « C’est de ta faute si tu te sens mal! ». La personne se sent alors accusée, on la rend responsable de son malheur! Le jugement énonce aussi un autre verdict : « Tu es mal placée! ». Un sentiment de rejet et d’incompréhension peuvent poindre et teindre la relation et la communication. C’est ce qui rend la positivité toxique! En refusant de ressentir la réelle expérience de l’autre, la positivité est déshumanisante.

 

Le déni et l’aveuglement font mal

La négation du négatif fait mal aux enfants comme aux adultes : « Ne pleure pas! », « Ce n’est pas grave! », « Pas besoin d’en faire tout un plat! ». Tout un pan de l’expérience humaine est ainsi nié au profit d’une vision absolument positive de la vie. Le ressenti réel dans le corps n’est pas soutenu avec empathie, sensibilité, compassion et amour. La rencontre avec l’autre est douloureuse. Un poison s’infiltre et intoxique la relation.

 

La pensée positive est populaire

Nous vivons dans un monde où la pensée positive a la cote. Or, la vie comporte nécessairement du positif et du négatif. Que l’on pense aux nombreuses épreuves que les gens traversent. La voie de sortie n’est pas de nier le négatif et de faire comme si de rien n’était. Pour sortir de l’impasse, il convient d’affronter le négatif en continuant de percevoir et d’éprouver tout le positif de la vie. Que l’on pense à un coucher de soleil, à un sourire aimant, un toucher affectueux, que l’on pense aux grandeurs de la nature avec ses merveilles, on réalise que tout est là autour de nous pour supporter la prise de conscience du négatif. Observer la réalité concrète en demeurant « groundé », positif et négatif compris. Ainsi, nous accédons à une réelle communication avec l’autre, enfant ou adulte. Demeurer dans le « juste milieu » où on n’exacerbe pas et où on ne diminue pas les perceptions et les émotions des personnes, petites ou grandes. On respecte le ressenti tel qu’il est. On demeure centrée et surtout, comme il est dit plus tôt, on observe bien la réalité concrète pour maintenir le cap et ne pas perdre le nord.

 

Les ressentis n’ont pas à être classés

Les ressentis n’ont pas à être classés bons ou mauvais, louables ou méprisables, désirables ou indésirables. Ils ont besoin d’être reçus avec amour pour que la relation se poursuive et s’épanouisse avec la créativité de chacun pour identifier ce qui peut aider à faire face au négatif. Nous n’avons pas à nous départir de nos ressentis négatifs.

 

Conclusion

Le bonheur ne se fonde pas sur la dictature du positif aux dépens du négatif. Il se fonde sur la sollicitude vécue avec les enfants et les adultes en accueillant les expériences réelles et les ressentis réels positifs et négatifs.

 

Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation

Articles sur le même sujet

ARTICLE
La santé mentale des jeunes de 0 à 17 ans : Aider les jeunes à identifier, comprendre et communiquer leurs émotions

La santé mentale des jeunes de 0 à 17 ans : Aider les jeunes à identifier, comprendre et communiquer leurs émotions

Par Fondation les petits trésors - 28 septembre 2022

Vous souvenez-vous d’avoir joué avec un coin-coin lorsque vous étiez enfant? Entre amis ou en famille, il s’agissait d’un moment...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Rendre nos enfants autonomes et responsables : est-ce possible?

Rendre nos enfants autonomes et responsables : est-ce possible?

Par Jocelyne Petit - 2 février 2021

Nos enfants vivent à nos côtés un processus d’humanisation, c’est-à-dire qu’ils cheminent pour devenir des personnes autonomes et responsables, engagées...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Enfants survolés, avenir inquiétant

Enfants survolés, avenir inquiétant

Par Geneviève Harvey-Miville, Les Z’imparfaits - 6 novembre 2020

Il est normal pour un parent de s’inquiéter pour son enfant et d’avoir le cœur un peu serré lorsque celui-ci...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Fabriquer les adultes de demain

Fabriquer les adultes de demain

Par Geneviève Harvey-Miville, Les Z’imparfaits - 18 août 2020

Depuis quelques semaines, nous sommes happés de plein fouet par une vague de dénonciation. Qu’il soit question d’artistes, d’influenceurs ou...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
L’Espace parents : pour faire grandir des consommateurs avertis

L’Espace parents : pour faire grandir des consommateurs avertis

Par Office de la protection du consommateur - 28 juillet 2020

Collaboration Office de la protection du consommateur    Encore un jouet qui finira aux oubliettes! Il lui faut les mêmes...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Mon enfant a un nouvel ami… imaginaire

Mon enfant a un nouvel ami… imaginaire

Par Geneviève Harvey-Miville, Les Z’imparfaits - 11 juillet 2020

Découvrir que son enfant possède un ami imaginaire peut générer chez l’adulte son lot de questions : Est-il normal? Dois-je ignorer...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Apprendre à jouer seul

Apprendre à jouer seul

Par Geneviève Harvey-Miville, Les Z’imparfaits - 28 mai 2020

  Apprendre à jouer seul est aussi important que d’apprendre à jouer en groupe. Plus les enfants seront en mesure...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Premier rendez-vous en orthophonie avec mon enfant : à quoi dois-je m’attendre?

Premier rendez-vous en orthophonie avec mon enfant : à quoi dois-je m’attendre?

Par Maude Lemieux - 22 mai 2020

Votre petit a des difficultés au niveau de son développement langagier et vous avez décidé de consulter en orthophonie? Il...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Enfants et mensonges

Enfants et mensonges

Par Geneviève Harvey-Miville - 25 mai 2018

Le mensonge est une sorte de passage obligé chez les enfants. À un moment ou à un autre, tous les...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Un méchant gros cauchemar

Un méchant gros cauchemar

Par Caroline Dufresne - 1 mai 2018

La majorité des enfants vont expérimenter les cauchemars entre l’âge de 2 et 10 ans. Certains occasionnellement alors que pour...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Comment dire «je t'aime» à son enfant

Comment dire «je t'aime» à son enfant

Par Geneviève Harvey-Miville - 13 février 2018

«Je t’aime», quelques petits mots bien simples, mais tout sauf anodins. On peut même dire qu’ils sont primordiaux au sein...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
Les écarts d’âge entre frères et sœurs

Les écarts d’âge entre frères et sœurs

Par Sarah Barbeau - 5 septembre 2017

Vous avez un petit poupon dans vos bras, et vous vous dites que vous avez encore beaucoup d’amour à offrir....

Lire l'articleVie de parentsVie de parents
ARTICLE
L’anxiété de performance : comment aider mon enfant ?

L’anxiété de performance : comment aider mon enfant ?

Par - 18 septembre 2024

On entend de plus en plus parler de l’anxiété de performance... En quoi se distingue-t-elle du stress ? Comment se...

Lire l'articleVie de parentsVie de parents

Blogues sur le même sujet

Vie de parents Blogues
Spécialistes Vie de parents

Vie de parents, c'est aussi une référence de spécialistes provenant de partout au Québec.

Découvrez les spécialistes de votre région.

Trouvez un spécialisteVie de parentsVie de parents

© Vie de Parents 2024