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La place des super-héros dans la vie des enfants : des influences néfastes ou positives?
On peut se demander ce qui attire les enfants quand ils regardent des films de super-héros et quand ils s’amusent à les intégrer dans leurs jeux? Nous parlons ici de Batman, Superman, Spiderman, Hulk, Iron Man, etc. Nous allons tenter de comprendre cette attirance pour déterminer ensuite si ces influences sont néfastes ou si elles sont positives?
La construction de l’identité
Tout être humain, enfant ou adulte, vit un cheminement pour construire son identité, intégrer sa personnalité, en intégrant ses racines féminines et masculines en lien avec son histoire. Ce cheminement implique nécessairement un conflit identitaire à résoudre où le bien/le mal se rencontrent comme le bon/le mauvais, le positif/le négatif. Voilà là la base du développement moral qui s’opère en chacun de nous. Tôt ou tard, l’être humain doit apprendre à discerner ce qui lui fait du bien / ce qui lui fait mal et ce qui fait du bien/ ce qui fait mal à ses semblables et à l’environnement. Chacun doit donc affronter en soi le bon/le mauvais pour apprendre graduellement à couper les excès en se comportant de plus en plus de manière respectueuse et morale.
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Le jeu de l’enfant
L’enfant joue en projetant à l’extérieur de lui le conflit identitaire qui l’habite. Lentement il intériorise des aspects de sa personnalité et construit son identité de l’intérieur. Il s’identifie à des héros, héroïnes, super-héros et super-héroïnes. Ce faisant, grâce à ces projections, il fait face au bon/mauvais en lui-même et discerne ce qui fait du bien / ce qui fait mal. Les jeunes enfants se déguisent souvent en super-héros, à l’Halloween ou dans leurs jeux quotidiens. Ils portent alors des capes qui s’envolent au vent et les propulsent dans le monde imaginaire de l’enfance où toutes sortes de scénarios sont conçus. Le but de ces jeux est d’affronter « le mauvais » et de développer du pouvoir face à lui pour le vaincre. Tous ces jeux sont importants pour trouver sa juste place en ce monde, en se sentant suffisamment puissant pour faire face à la réalité concrète qui implique nécessairement du bon et du mauvais, du positif et du négatif, du bien et du mal.
Les super-héros
Les super-héros apparaissent ici comme des personnages auxquels les enfants peuvent s’identifier parce qu’ils ont des pouvoirs, voire même des super-pouvoirs. Ils peuvent utiliser ces pouvoirs contre le « mauvais » qui fait « mal ». Ainsi, ils sont super-équipés d’une armure et d’outils nécessaires pour la confrontation avec le « mauvais ». Équipés de cette façon, ils peuvent se sortir de pétrins extraordinaires. Ils peuvent rendre à la justice le « mauvais » et protéger le peuple de l’invasion du « mauvais » après l’avoir affronté directement.
Les super-héros sont au service de la collectivité. Ils veulent le bien du peuple. Ils protègent les gens ordinaires des effets néfastes enclenchés par des actions du « mauvais ». Bien qu’ils soient terriblement défiés par le « mauvais » qui possède lui aussi des pouvoirs, ils se montrent courageux et déterminés à aller jusqu’au bout pour vaincre et faire cesser le danger qui plane sur les humains ordinaires.
Les super-héros ont une double identité. Ils cherchent, comme tout le monde, à se faire une belle place dans la communauté . Ainsi, ils agissent comme « M. et Mme tout le monde », tentant de ne pas se faire remarquer avec leur différence (leurs super-pouvoirs). Or, quand « le mauvais » agit, et qu’il fait mal à des gens ordinaires, ils revêtent leur costume spécial et vivent leur identité de super-héros et acceptent d’utiliser leurs pouvoirs pour vaincre et résoudre le conflit en cours. Mais ils ne veulent pas être reconnus.
Il faut dire que les pouvoirs des super-héros se sont développés après une tragédie qui les rend souvent orphelins. Ils perdent des êtres chers et cette tragédie contribue à développer chez eux ces capacités extraordinaires. Comme ils prennent conscience de leur différence avec « tout le monde », ils tentent de préserver leur lien avec le reste des mortels, en se déguisant lorsque la situation conflictuelle l’exige. Lorsque « le méchant » est à l’œuvre et qu’il fait du grabuge qui fait du tort aux humains et à leur environnement, ils acceptent de se transformer en super-héros.
Les qualités et les enseignements des super-héros
En affrontant « le mauvais », les super-héros démontrent de nombreuses qualités : la gentillesse, l’honnêteté, la persévérance, le pardon, la bonté, l’altruisme pour n’en nommer que quelques-unes. Bien qu’ils utilisent leurs super-pouvoirs pour mettre hors de nuire « le mauvais », jamais ils ne le tuent. Ils souhaitent plutôt sa réhabilitation pour une meilleure intégration à la société où la justice prévaut.
Les enseignements qui se dégagent de leurs actions sont :
- L’importance de faire le bien
- L’importance d’aider son prochain
- L’importance de voir les problèmes et de les régler
- L’importance de venir en aide aux plus faibles
- L’Importance d’utiliser le raisonnement plutôt que la force brute pour résoudre les conflits.
- L’importance de l’autonomie pour se débrouiller sans ses parents
- L’importance comme enfant et comme adulte de développer ces qualités pour être un héros.
Ces influences sont-elles néfastes ou positives?
Pour cheminer dans la construction de son identité comme enfant, pouvoir s’identifier à des êtres qui veulent « le bien » et qui ont beaucoup de pouvoir pour faire face au « mauvais » pour le vaincre est positif. Bien sûr que le visionnement de ces films implique la vue d’actions très négatives et violentes perpétrées par « le mauvais ». Mais cela fait partie du conflit intérieur que chaque être humain a à résoudre, soit d’affronter avec courage ses tendances les plus régressives et négatives et de les vaincre. Les qualités des super-héros montrent la voie pour y arriver : détermination, persévérance, courage, etc.
Il est toutefois recommandé aux parents d’accompagner les jeunes enfants dans la découverte de cet univers des super-héros et de les aider à faire la part des choses, en identifiant ce qui fait du bien et en le distinguant de ce qui fait mal.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation avec l’aide de Yann Brouillette, Docteur en Chimie organique et professeur d’un cours sur « la chimie des Super-héros ».