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La parentalité bienveillante peut-elle devenir un piège?
Malheureusement, oui! Quand l’orientation vers la bienveillance fait en sorte que le parent s’oublie, qu’il ne tient pas compte de ses besoins et de ses désirs, quand il ne s’écoute pas, les conditions deviennent propices pour engendrer des enfants-rois! Comment ça?
Revoir la définition de la bienveillance
En soi, le mot « bienveillance » est centré sur le bien-être de l’autre. Cela nous incite à penser à autrui d’abord, en étant indulgent, généreux et bon envers lui. Appliqué à l’éducation des enfants, cela peut diriger les parents vers la trop grande gentillesse où ils se pilent dessus pour ne pas frustrer l’enfant ni le brimer. Quand le parent ne tient pas compte de ses réactions viscérales, quand il se place au-dessus de son ressenti, en n’en tenant pas compte ou en s’en sentant coupable, la parentalité bienveillante peut devenir un piège. L’enfant est alors traité avec une trop grande indulgence. Il chicane, il pleure devant le fait que le parent communique une limite et le parent cède devant la pression ou encore commence à donner plein d’attention à l’enfant en discutant avec lui, en le cajolant ou en lui donnant des bisous. L’enfant a alors de la difficulté à percevoir la limite, à la comprendre et enfin, à l’accepter. La situation peut devenir abusive en ce sens que les conditions de respect mutuel ne sont pas présentes. Et le problème s’éternise et se répète car l’enfant reçoit beaucoup d’attention pour un comportement négatif.
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Comment éviter que la parentalité bienveillante devienne un piège?
D’abord, en s’écoutant davantage. En pensant davantage à soi. En se libérant de la hantise de frustrer l’enfant. En reconnaissant le bien-fondé des limites claires que l’on donne à l’enfant quand on perçoit une désorganisation quelconque. En aidant l’enfant à se situer dans le plaisir. En sachant que la frustration occasionnelle fait partie de l’éducation de l’enfant et qu’elle est formatrice.
Éviter de donner trop d’attention aux comportements négatifs de l’enfant
Éviter les discussions qui n’en finissent plus. Éviter de trop expliquer pour se dédouaner. L’attention du parent donné lorsqu’il y a un problème avec l’enfant jette de l’huile sur le feu et alimente le conflit en cours. Diriger son attention comme adulte sur des éléments énergisants (beau paysage, jolie plante, etc.).
Quand le plaisir n’est pas au rendez-vous : réagir
Le plaisir est un guide et une orientation. Quand le comportement de l’enfant fait expérimenter le déplaisir, il convient de réagir rapidement pour ne pas se perdre dans une désorganisation quelconque. Tenir compte de son ressenti négatif et éviter d’accumuler la tension. Car cela risque de créer une accumulation d’énergie négative qui, tôt ou tard sera évacuée, souvent de manière trop forte.
Viser l’équilibre accueil/limites, Yin/Yang
Tenter au mieux de réunir en soi ces deux forces contraires, une qui permet d’accueillir et l’autre qui aide à exprimer sa limite. Ces deux forces bien réunies permettent de contenir son énergie et de ne pas éclabousser personne. Cela aide à développer une distance émotionnelle.
Développer une présence à soi
En intervention avec l’enfant, ne pas s’oublier. Continuer de considérer ses besoins et désirs personnels. Tenir compte de son ressenti, de ses émotions positives et négatives.
Réparer ses erreurs et prendre le temps
Être indulgent envers soi-même aussi. Se donner le droit à l’erreur et envisager la possibilité de réparer ses erreurs. Prendre le temps qu’il faut pour développer un bon équilibre dans ses interventions. Se situer dans un processus à long terme.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation