On entend souvent dire qu’il faut mettre ses limites claires avec les enfants, sinon, ils peuvent exagérer dans la demande d’attention qu’ils manifestent. Et, pire encore, ils peuvent être insécurisés et se désorganiser. Ce qui donne lieu à des comportements excessifs désagréables. Comment mettre ses limites claires?
En fait, les sensations que l’on éprouve en interaction avec l’enfant sont révélatrices de ce qui se passe vraiment en nous. Ces sensations nous disent notre niveau de confort ou d’inconfort et nous orientent vers des interventions pour retrouver le confort si nous l’avons perdu. Tenir compte de ce que nous ressentons est positif. Cela permet de faire le point, de se mettre au focus et nous guide vers la suite des choses. Le ton, l’attitude, la posture, les paroles, les gestes, sont autant de moyens à notre disposition pour communiquer notre position par rapport à ce qui se passe. Pour que la limite soit claire, il importe donc de situer la base de notre intervention en nous, en écoutant nos sensations. Nous avons besoin pour ce faire d’être honnête avec nous-même et de répondre avec véracité : « Est-ce que je me sens bien ou mal dans cette situation? », « Est-ce que ça va, oui ou non? ». Il devient important de ne pas se piler dessus et de ne pas mettre notre ressenti négatif de côté. Oser dire à l’enfant où on en est vraiment. Est-ce que l’on est disponible ou non?
Quand la sensation révèle de la fatigue, de la non-disponibilité, un besoin de répit, une irritation, quand la demande de l’enfant devient trop exigeante pour nous, il est possible de communiquer notre inconfort en énonçant un non, où l’on dit que l’on touche une limite. « Non, je n’accepte pas… », « Non, ça suffit pour moi! » quand le comportement de l’enfant est désagréable, sont des paroles qui ont du sens.
Être ferme dans la manière de dire non. Encore une fois, s’appuyer sur la sensation ressentie aide à trouver le bon ton, l’attitude claire et convaincante pour manifester sa limite. Éviter le ton mielleux, l’attitude trop molle comme l’attitude trop dure. Exprimer avec aplomb et respect de soi et de l’autre : « C’est non! ».
Françoise Dolto (1) fait un parallèle entre le manque que nous pouvons ressentir à l’occasion et le jeu de casse-tête où des chiffres sont dans un carré avec un espace vide pour bouger les pièces et remettre en ordre croissant les chiffres. Elle dit que le manque ressenti est comparable à cet espace vide qui permet de bouger les pièces et de jouer le jeu. Nos manques sont souvent reliés à nos désirs et l’enfant peut désirer « Tout, sans limites ». Quand ses désirs s’avèrent illimités, la situation devient très exigeante pour le parent. C’est à ce moment que de mettre ses limites claires prend tout son sens. Éviter de chercher à combler tous les manques et tous les désirs de l’enfant. Référer ce dernier à ses propres ressources et aux ressources de l’environnement pour qu’il se mette en mouvement pour combler ses désirs. Dès le plus jeune âge, il apparaît important d’appuyer ce mouvement comme parent.
On sait que la frustration fait partie de la vie. On ne peut pas tout avoir! comme on entend dire fréquemment. Dans les faits, la frustration face au désir de « Tout sans limites » est structurante dans le sens qu’elle aide au développement sain de la personne. Plus tôt on apprend à gérer nos frustrations, mieux on se porte! Toutefois, comme parent, on cherche parfois à éviter de frustrer l’enfant, encore plus lorsqu’on anticipe une crise de sa part. On se sent quelquefois coupable de ne pas répondre oui à la demande totale de l’enfant. Comme si on voulait qu’il ne lui manque rien. Or, nous l’avons vu plus tôt, le manque crée un espace libre pour se mouvoir, nous dit Françoise Dolto (1). Ainsi, ne pas donner « Tout, sans limites » et accepter de le faire en ne se sentant pas coupable est souhaitable pour apprendre à mettre ses limites claires dans sa relation avec l’enfant. La sensation de culpabilité vient freiner notre élan pour dire non et pour écouter nos vraies sensations. Elle mêle les cartes et nous donne une vision embrouillée du problème à résoudre avec l’enfant. Pour éviter la culpabilité d’avoir à frustrer l’enfant, il faut donc se parler et se ramener au questionnement initial « Est-ce qu’on est bien ou on est mal? », « C’est oui ou c’est non? ». Tenir fermement la position en mettant les limites claires, s’il y a lieu.
Pour communiquer une limite claire et éviter la culpabilité, il devient important d’apprendre à ne pas se laisser envahir par les émotions. Demeurer centré et développer une saine distance émotionnelle. Se détacher émotivement de la situation vécue avec l’enfant. Ne pas prendre sur soi l’énergie négative de l’enfant. Se concentrer sur soi. Apprendre à se taire s’il y a une crise pour ne pas mettre de l’huile sur le feu. Continuer d’écouter ses sensations et de s’y appuyer pour déterminer la suite des choses. Rappeler brièvement le pourquoi de la limite.
Il est positif de parler à l’enfant très jeune de sa « bulle », c’est-à-dire de son espace personnel à faire respecter en établissant une saine distance et des limites claires. Lui enseigner à ne pas forcer la note pour entrer dans la bulle de l’autre, de respecter le « Non » de l’autre, qu’il soit enfant ou adulte. Apprendre à bien observer la réaction de l’autre quand on s’approche et de s’y adapter en respectant la bulle de chacun. Ce sont là des apprentissages essentiels. Mettre des mots pour définir clairement la « bulle » de chaque personne. Cela contribue à une éducation saine des relations sociales.
Sur le frigo, on peut avoir des énoncés du genre « On ne me parle pas sur ce ton! », « On se calme! », « J’ai déjà dit Non! », etc. Pointer au jeune un énoncé quand une limite est dépassée peut aider à dénouer une impasse avec humour. On peut même en rire!
En conclusion, on voit que mettre ses limites claires ne va pas de soi. Il y a un certain travail-sur-soi à consentir. Le cheminement comme parent est récompensé par les relations positives que nous construisons avec nos enfants qui perdurent la vie durant.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
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