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Comment aider les enfants à résoudre leurs conflits?
Les conflits entre enfants sont fréquents et normaux. En réalité, ils sont des occasions de développer de nouvelles habiletés sociales,
- en apprenant à exprimer ses besoins et ses désirs;
- en apprenant à faire respecter ses limites en disant « Non! »;
- en apprenant à respecter les limites de l’autre en gérant la frustration vécue devant le « Non! » de l’autre;
- en apprenant à gérer et exprimer ses émotions;
- en apprenant à écouter l’autre;
- en développant de l’empathie;
- en apprenant à rechercher des solutions constructives avec l’autre;
- en développant l’estime de soi et la fierté d’avoir résolu le conflit.
Comme adulte, nous avons à transformer notre perception des conflits qui surgissent entre enfants. Comme ceux-ci génèrent à coup sûr une émotion négative, notre perception est souvent négative et nous nous empressons de mettre fin au conflit en imposant une solution rapide pour en finir au plus vite. Or, le conflit peut reprendre de plus belle car nous ne sommes pas allés au fond du problème.
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Betsy Evans, spécialiste américaine internationale des conflits entre les enfants, nous propose plutôt de vivre avec les enfants un processus de résolution de problème qui comporte 6 étapes simples. Les voici :
ÉTAPE 1 : SE CALMER
Se calmer soi-même comme adulte et demander aux enfants de se calmer. Respirer par le nez, prendre de grandes respirations, s’asseoir un moment, arrêter de tirer sur l’objet convoité en le faisant passer dans les mains de l’adulte « Je vais tenir le camion pendant que l’on discute! ». Cette première étape est importante pour la suite du processus.
ÉTAPE 2 : NOMMER LES SENTIMENTS
L’adulte nomme les sentiments qu’il observe pour que chaque enfant se sente compris. « Je vois que tu es fâché! », « Je vois que tu as de la peine! ». Vivre cette étape dès le début permet de désamorcer l’invasion émotive que chacun peut vivre à ce moment car l’émotion négative fait mal. Une fois reconnue et verbalisée, elle peut devenir mieux contenue. L’enfant se sent reçu dans son émotion. Sa capacité de raisonnement peut s’éveiller et contribuer à la suite du processus.
ÉTAPE 3 : COMPRENDRE LE PROBLÈME
L’adulte questionne les enfants, même les tout-petits, à partir de 18 mois, « Racontez-moi ce qui s’est passé ? ». Pour le tout-petit, selon les indices que l’adulte observe, il prendra la parole : « Je vois que Sabrina t’a poussé par terre! ». L’adulte attend et observe les signes non-verbaux de l’enfant pour poursuivre. « Tu es d’accord? ». L’enfant parle avec son corps. Il dit « Oui! » ou « Non! ». Pour l’enfant plus vieux, l’adulte l’invite à dire avec des mots sa version des faits et encourage l’autre enfant à écouter. Le ton de l’adulte est impartial et neutre. Il doit, lui aussi, bien contenir son émotion. Déterminer qui avait le jouet en premier est moins important que d’aider les enfants à développer des habiletés sociales, laisse entendre Betsy Evans.(1)
ÉTAPE 4 : REFORMULER LE PROBLÈME
À cette étape, l’adulte énonce en peu de mots ce qu’il comprend essentiellement du problème. « Dans le fond, vous êtes deux à vouloir jouer avec ce camion! ». La recherche prouve que lorsqu’on a 2 exemplaires d’un même jouet, les enfants ont moins de conflits et en plus, ils collaborent en s’inventant des scénarios ludiques avec leurs jouets semblables. Avec des mots simples, le conflit est verbalisé. On peut passer à l’étape suivante.
ÉTAPE 5 : DEMANDER DES SOLUTIONS AUX ENFANTS
Cette étape est cruciale! Au lieu de suggérer soi-même des solutions, l’adulte demande aux enfants : « Que pouvons-nous faire pour résoudre ce conflit? Quelles solutions conviendraient ? » Encore ici, si ce sont des tout-petits, l’adulte pose la question pour impliquer les enfants dans la résolution et il verbalise les solutions possibles. Il observe le langage non-verbal des petits pour s’orienter vers la meilleure solution que les petits approuvent par un « Oui! » « Es-tu d’accord? ». Pour les enfants plus vieux, l’adulte écoute les suggestions et les aide à choisir une solution satisfaisante : chacun son tour (avec une minuterie), chacun son tour (jusqu’à ce qu’un enfant ait fini de jouer avec un jouet), partager (jouer à 2), séparer en 2 (lorsque c’est possible), chercher un jouet semblable, s’excuser (dans certaines circonstances), etc.
L’adulte recueille les idées des enfants. Si l’idée ne semble pas réaliste, dire « C’est une idée, continuons de chercher… ». Au début, les enfants peuvent ne pas être habitués à énoncer leurs idées si l’adulte avait tendance à imposer des solutions rapides. Mais avec le temps et la pratique, ils auront plus d’idées. L’adulte peut les aider en suggérant des idées, mais elles seront suivies d’un point d’interrogation « Est-ce que ça convient ? », « Êtes-vous d’accord? ». Éviter à tout prix l’attitude qui dirait « Débrouillez-vous avec ce problème! ». Les enfants (comme les adultes souvent) ont besoin d’aide pour résoudre leurs conflits et développer leurs habiletés sociales.
ÉTAPE 6 : ENCOURAGER LES ENFANTS
Quand la solution a été choisie et qu’elle se réalise en faisant vivre de la satisfaction et de la détente aux enfants, après le moment de tension, il convient de souligner ce succès « Bravo!, vous avez eu une bonne idée ! », « Ça va mieux maintenant ! ». Des gestes d’encouragement comme pouce levé, caresse sur la tête, tape dans la main, etc. sont de mise.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
1 : Betsy Evans, adaptation française Karine Robert, Résolution de problèmes en milieu éducatif, 21 situations illustrées, Chenelière Éducation, Montréal, 2017.