ARTICLE
Vers une relation égalitaire entre les parents
Selon l’éducation que nous avons reçue, il est plus ou moins évident d’établir une relation égalitaire entre les parents. Notre bagage antérieur prend beaucoup d’importance. Quels sont nos modèles? Avons-nous vécu dans un climat démocratique où chaque personne avait sa place? Ou avons-nous vécu dans un climat où le pouvoir était concentré dans les mains d’un des partenaires de la relation? Et dans la fratrie, quels types de relation étaient vécus? Le déséquilibre dans le pouvoir est souvent subtil. Il est difficile à détecter. Ce n’est donc pas facile d’en prendre conscience. Acceptons-nous de faire un cheminement pour nous distancer de certains modèles non égalitaires? Nous allons tenter ici de décrire une relation égalitaire pour ensuite énumérer des obstacles à cette relation. Le but visé est de faciliter la tâche à quiconque souhaiterait analyser sa relation pour développer, s’il y a lieu, un meilleur équilibre dans l’exercice du pouvoir.
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Des comportements et attitudes pour établir une relation égalitaire
- Développer le respect de soi et le respect d’autrui. Voilà une base pour établir une relation égalitaire. Plus jeune on apprend à bien se traiter, plus tôt peut s’établir avec autrui une relation respectueuse. Les comportements et attitudes qui suivent décrivent concrètement ce que signifie le respect de soi et d’autrui.
- Permettre à chacun d’exprimer ses perceptions et ses émotions. Ce que l’on ressent, ce que l’autre ressent, ce que l’on perçoit, ce que l’autre perçoit. Entendre et écouter les insatisfactions intérieures et extérieures. Énoncer clairement les insatisfactions comme les satisfactions.
- Porter attention au point de vue de chacun des partenaires de la relation. Écouter avec empathie. « Voici ce que j’en pense et toi qu’en penses-tu? »
- Valider et comprendre le point de vue de chacun comme étant crédible.
- Accepter de voir selon la vision de l’autre et s’ajuster. « Je vais modifier mon approche et mes choix en tenant compte de ce que tu dis. »
- Observer les réactions physiques et émotives de chacun et en tenir compte. L’observation de la réalité telle qu’elle est constitue une fondation de la relation égalitaire. Observer le positif et le négatif. Ne pas faire comme si tout était noir ou blanc ou encore comme si tout était rose.
- Valider les émotions négatives, les évènements négatifs et douloureux. Développer une sensibilité. Faire confiance au ressenti de chacun. Cet élément est majeur. Plusieurs conflits surgissent parce que le négatif est nié. (Voir l’article paru dans Vie de Parents « L’énergie négative est difficile à ressentir pour les enfants et les adultes »)
- Considérer chaque personne avec dignité.
- Trouver un terrain d’entente qui réconcilie des visions différentes : faire des choix respectueux des personnes en présence.
- Questionner chacun des partenaires sur son vécu, ses émotions, ses perceptions. S’intéresser à l’expérience de chacun.
- S’exprimer en « Je » pour faire connaître son expérience. Éviter le « Tu » accusateur. « Quand je vois tel comportement, je me sens…et cela a pour conséquence… ». Parler vrai.
- Régler entre les partenaires les différends. Discuter des choix de solutions possibles jusqu’à une entente satisfaisante pour chacun.
- Établir ses limites claires pour chaque partenaire. Respecter la bulle de chacun.
- Se soutenir mutuellement dans ses pensées, ses émotions, ses actions.
- Contenir les émotions positives et négatives. Non seulement est-il souhaitable de ressentir les émotions positives et négatives, mais il devient important de les contenir pour éviter de les projeter à l’extérieur de soi sur l’autre ou dans l’environnement ou encore de les retourner contre soi-même.
- Chercher de l’aide au besoin pour rétablir l’équilibre dans l’exercice du pouvoir. Être actif devant l’abus de pouvoir. En parler.
Des comportements et attitudes qui sont des obstacles à une relation égalitaire
- Dénigrer le point de vue de l’un ou de l’autre. Le diminuer, le rabaisser, le dévaloriser. Juger le ressenti et l’expérience comme étant négatifs et inacceptables.
- Sous-évaluer son expérience ou celle de l’autre en disant, par exemple, « Tu exagères! »
- Utiliser d’autres personnes pour invalider la perception de l’autre. Parler dans son dos.
- Imposer sa vision. Ne pas considérer la vision de l’autre.
- Accuser l’autre ou s’accuser d’être trop sensible, trop émotif.ve
- Rejeter les émotions et les perceptions de l’un ou de l’autre.
- Discréditer la vision de l’un ou de l’autre, en disant par exemple « Tu dis n’importe quoi! »
- Ignorer l’expérience de l’un ou de l’autre. Agir sans en tenir compte. Faire du déni.
- Catégoriser la vision de l’autre en l’associant, par exemple, à un groupe d’appartenance. « On sait bien, les femmes sont… ».
- Dramatiser et exagérer la vision de l’un ou de l’autre en la rendant non crédible. Amplifier les faits. Les ridiculiser.
- Invalider les émotions négatives en soi ou chez l’autre. Développer un mécanisme d’évitement face au négatif de la vie. Cet obstacle est majeur. Il se situe au cœur de plusieurs déséquilibres dans l’exercice du pouvoir. La soumission avec passivité comme la domination prennent souvent leur appui sur cette attitude et sur les comportements qu’elle engendre.
Tenir compte des enjeux en cause
Les gages de succès d’une relation sont le respect de chacun des partenaires, la considération, l’écoute et la communication. L’enjeu principal est d’accepter les différences de points de vue et d’en tenir compte dans les choix que l’on fait quotidiennement. L’accueil des émotions positives et négatives et leur contenance constituent la voie de sortie de l’impasse vécu dans plusieurs relations. Le discours intérieur que l’on se tient, comme les paroles échangées avec l’autre, ont beaucoup d’importance pour sauvegarder les conditions du respect mutuel. Tout au long de la vie, nous apprenons à accepter et, à apprécier même, la différence avec l’autre. Nous vivons justement un processus de différenciation. La culture dans laquelle nous évoluons y est pour beaucoup dans les influences que l’on reçoit. Ainsi, « la pensée positive », si populaire, peut-elle devenir par moments un frein à la prise de conscience individuelle et collective des déséquilibres dans le pouvoir exercé par des personnes. Car quand l’invalidation du négatif prévaut en soi ou chez l’autre, l’équilibre dans le pouvoir est rompu. Pour le retrouver, il faudra se repositionner en déconstruisant le mode de relation non égalitaire, en adoptant des comportements et attitudes plus démocratiques.
En conclusion
Le cheminement pour se repositionner en vaut la peine car nous sommes des modèles pour nos enfants. Ainsi, plus tôt nous voyons clair dans notre relation comme parents, plus tôt nous identifions les obstacles, s’il y en a, plus l’équilibre du pouvoir peut être vécu dans la relation et plus le climat est empreint de respect.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation