Dossier spécial en collaboration avec la Clinique de Psychologie de Québec
Que ce soit pour éviter le trafic aux heures de pointe, lever le pied sur la conciliation travail-famille quelques jours par semaine ou simplement avoir une meilleure qualité de vie, le télétravail était rempli de promesses.
À la mi-mars, amené à notre porte sur ordre de la Santé publique, le télétravail a pris d’assaut nos maisonnées, pour le bonheur des uns et le malheur des autres. Cette révolution de nos habitudes de travail et de nos modes relationnels nous a tous bousculés : réorganisation dans un environnement différent, nouvelles méthodes de travail, familiarisation accélérée avec les outils de vidéoconférence, horaire élastique, concentration et gestion des temps de pause.
À deux mois de ce revirement majeur, la poussière commence à retomber. Un sondage Léger mené à la fin avril révélait que 50 % des Canadiens étaient en télétravail et que 79 % d’entre eux disaient aimer l’expérience (Le télétravail arrive pour de bon, L’Actualité).
En filigrane de ce bilan positif, on voit se dessiner de nouveaux enjeux de santé psychologique chez les travailleurs.
Dans cet article, découvrez comment cette nouvelle organisation du travail influence notre santé mentale et faites le plein d’astuces qui vous permettront de maintenir votre équilibre.
Vous croyez que tout redeviendra comme avant après la crise de la COVID-19 ? Détrompez-vous ! Le télétravail est là pour de bon et il faut se donner les moyens de s’y adapter.
Comme en témoignent plusieurs articles sur le sujet, le télétravail tentait depuis plusieurs années déjà de faire sa place dans notre société, mais se butait à plusieurs réticences, telles que la nécessité d’investir pour équiper ses employés, assurer la sécurité de l’information ou redéfinir la gestion des ressources humaines.
Il aura fallu une pandémie imposant des normes de distanciation sociale pour faire tomber les barrières, permettant ainsi d’entamer une nouvelle ère dans le monde du travail, soit celle du travail à distance.
À l’instar des nouvelles normes sociales, de nouvelles normes du travail se définissent. Dans les prochaines années, les organisations devront revoir en profondeur leur modèle d’affaires afin de proposer un cadre de gestion souple et moderne, favorisant à la fois un fonctionnement plus écologique, plus productif, mais également plus humain.
Face à la menace potentielle de nouvelles crises, les entreprises devront demeurer vigilantes, chercher à être plus flexibles et plus agiles afin de garder le rythme et rester attractives. Il en va de même pour les travailleurs et les gestionnaires qui devront se redécouvrir pour mieux se redéfinir et prendre le virage obligé vers une nouvelle façon de vivre.
Le télétravail peut sembler idyllique lorsqu’on l’expérimente sur une courte période et qu’il s’agit d’un choix personnel. Rester tranquillement chez soi, ne pas être coincé dans le trafic, économiser des frais de transport, ne pas avoir à côtoyer des collègues désagréables ou dérangeants, ne pas être contraint à des horaires fixes, etc.
Vu de l’extérieur, le travail à distance est synonyme de liberté et de tranquillité d’esprit. Fini le regard des autres sur notre rythme d’exécution, fini la file d’attente pour le café ou les conversations de corridor obligées. N’est-ce pas merveilleux d’éliminer tous ces irritants et de travailler paisiblement chez soi ? La réalité est-elle aussi rose ? Pas pour tout le monde, assurément.
Une récente étude menée par l’Université de Montréal sur l’adaptation au travail à distance et l’intérêt des gens à poursuivre le télétravail après la pandémie a révélé que
Sans égard au désir de poursuivre ou non le télétravail après la pandémie, bon nombre des répondants — tant hommes que femmes — confirment que de travailler à distance favorise la conciliation entre le travail et la famille. Qui plus est, près de 35 % confirment que leur productivité a augmenté depuis qu’ils doivent travailler à distance. Ce chiffre grimpe à 60 % chez les Européens.
Est-ce à dire que le secret du bonheur réside dans le travail à distance ? Ce n’est pas aussi simple. Pour ceux qui ont la responsabilité de plusieurs enfants ou qui doivent prendre soin d’un proche, le fait de pouvoir travailler de chez soi est facilitant. Néanmoins, la formule ne convient pas à tous et des défis encore plus grands viennent parfois s’interposer.
Déjà, avant la pandémie, différentes études scientifiques portant sur le télétravail mettaient en lumière les impacts à long terme du télétravail sur la santé psychologique des travailleurs. Parmi les impacts les plus marquants recensés par l’International Journal of Healthcare, on compte :
#1 La difficulté à séparer le travail de la famille (68 %)
# 2 Un sentiment d’isolement social (48 %)
#3 Une plus grande organisation du travail (44 %)
# 4 Le risque accru de perdre des contacts professionnels (20 %)
#5 Un manque de participation à la culture organisationnelle (4 %)
Quel est l’avenir du télétravail au regard des sentiments de désengagement social et professionnel qu’il peut provoquer ? Il faut se donner le temps de prendre le pas bien sûr, et d’ailleurs, l’étude de l’Université de Montréal le démontre, le plaisir croît avec l’usage : ceux qui ont commencé à travailler à distance dès le début de la crise ont plus tendance à vouloir continuer après. Ceux qui l’avaient expérimenté avant la crise aussi.
La réponse pourrait bien se trouver dans la promotion d’un modèle hybride, souple et adaptable aux besoins de chacun. Un récent sondage mené en Belgique indique d’ailleurs que plus de 60 % des travailleurs souhaitent poursuivre le télétravail à temps partiel, alternant entre le bureau et la maison.
Est-ce la fin des grands centres surpeuplés de travailleurs stressés ? Est-ce la fin de l’exode régional ? À chaque problème sa solution. Seul l’avenir nous le dira.
Si le télétravail permet de gagner du temps de qualité en éliminant certains irritants, il n’en demeure pas moins que d’employer ce nouvel espace ainsi créé à bon escient est un défi en soi. La tentation — même inconsciente — d’allonger ses heures de travail ou de chercher à tout faire en même temps — du dîner équilibré à la brassée de linge à étendre — sont des pièges bien réels de cette nouvelle réalité dans laquelle nous avons été catapultés.
Ainsi, le travail à distance n’apporte pas que des bénéfices. Au contraire, les télétravailleurs seraient même plus à risque que les travailleurs réguliers de vivre de la détresse psychologique accompagnée de problèmes physiques.
La façon dont on vit et perçoit le télétravail dépend d’une multitude de facteurs qui évoluent dans le temps. Ce qui vous sied aujourd’hui ne vous conviendra peut-être pas demain, et vice versa.
Vous retrouvez-vous dans les situations décrites ci-dessous ? Retirez-vous plus d’avantages que d’inconvénients à être en télétravail ?
Effets positifs du télétravail
Effets négatifs du télétravail
L’impact des écrans sur la santé psychologiqueEn plus des problèmes d’isolement et de gestion des différentes sphères de vie qui s’entrecroisent, le télétravail et l’école virtuelle ravivent le débat des écrans. Car qui dit télétravail dit aussi plus de temps passé devant un écran. Or, cela ne doit pas être pris à la légère, car chez l’adulte, l’augmentation du temps d’écran : · Entraîne une augmentation des symptômes d’anxiété, des symptômes dépressifs et des symptômes psychopathologiques · Est perçue comme le signe d’une moins bonne qualité de vie · Perturbe le sommeil, ce qui entraîne une augmentation de la fatigue, de l’irritabilité et des conflits. |
Pour Isabelle Guay, psychologue à la Clinique de psychologie Québec, la santé psychologique passe par l’équilibre entre ses différentes sphères de vie.
Cet équilibre, autrefois bien établi, a été remodelé et de nouvelles balises doivent être définies. Par exemple, la personne qui avait l’habitude de s’entraîner en salle chaque midi et qui doit maintenant s’occuper du dîner familial devra trouver le moyen de s’activer à d’autres moments de la journée et de façon différente (ex. : jogging, programme d’entraînement maison).
D’autres personnes verront naître en eux des besoins différents. L’envie de faire du sport pourrait donc se transformer en besoin de prendre du temps pour soi, en dehors du brouhaha familial et du couple. Faire du yoga, de la relaxation ou de la méditation pourrait devenir un canal privilégié et favoriser ainsi la santé psychologique.
Être à l’écoute de soi en cette période d’insécurité est la meilleure façon de préserver sa santé psychologique.
Il importe toutefois de demeurer à l’affût de certains signes de détresse psychologique tels que :
Madame Guay rappelle qu’il n’est pas nécessaire de ressentir tous ces symptômes pour être en détresse psychologique. Quelques-uns suffisent pour se retrouver en déséquilibre. L’important est d’agir rapidement, car plus vous luttez contre vos symptômes, plus vous risquez d’aggraver votre situation.
Sur son site Web, l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail met à la disposition des travailleurs différentes fiches d’information visant à outiller les travailleurs afin qu’ils adoptent de bonnes pratiques en situation de télétravail. Celles-ci traitent de sujets aussi variés que la civilité numérique, des façons de garder le contact, la prévention de la violence et l’ergonomie à la maison.
Voici quelques-uns des moyens que l’Association vous propose afin de maintenir une bonne hygiène de vie en mode télétravail :
Comme nous l’avons vu précédemment, le télétravail peut avoir des impacts négatifs sur le couple. La satisfaction conjugale est principalement affectée par la perte d’étanchéité entre les espaces personnel, professionnel et familial, et les défis de gestion qu’ils posent.
Hugues Simard, psychologue de couple et expert en santé psychologique au travail à la Clinique de psychologie Québec croit que télétravail et couple ont plus de chance de faire bon ménage si les partenaires éprouvent du plaisir ensemble, partagent une intimité émotionnelle et se sentent en sécurité sur le plan affectif.
Or, comme l’équilibre d’un couple est fragile, il est important de prendre soin de la relation, de mettre l’entretien de la relation de couple au centre de ses priorités.
Voici quelques trucs qui vous aideront à préserver votre satisfaction et celle de votre partenaire en cette période particulière :
Le moment entre le souper et le dodo des enfants est un moment précieux qui ne devrait pas être contaminé ou interrompu par le travail, les textos, les courriels ou tout autre élément perturbateur. Ce temps permet de resserrer les liens entre les membres de la famille et de répondre au besoin de socialiser. Les bons moments en famille diminuent le stress et donnent un sens plus profond à la vie.
Trouvez un moment pour discuter, intéressez-vous à l’autre, à son monde émotionnel ou intime. Trouvez une activité à faire ensemble, loin des écrans.
Hé oui, les touchés physiques tendres et chaleureux ont un pouvoir fantastique sur la santé psychologique. Ils favorisent la sécrétion d’ocytocine, une hormone responsable de l’attachement et de la sécurité affective. Non seulement votre stress diminuera, mais votre sentiment amoureux s’en trouvera renforci.
Il est plus facile de connecter lorsque nous y sommes préparés. Le fait de ne pas coordonner les horaires risque de placer l’un ou l’autre des partenaires en attente. Celui qui attend que l’autre ait terminé son travail avant de le rejoindre accumulera de la frustration ou débutera une nouvelle tâche. Cela augmente les chances de passer à côté d’un beau moment à deux, non par manque d’intérêt, mais en raison d’un manque d’organisation et de communication.
Nous avons certes des besoins relationnels, mais nous avons aussi des besoins individuels qui s’expriment majoritairement par du temps pour soi. Le fait de s’entraider afin que chaque partenaire puisse répondre à ses besoins augmentera le niveau de satisfaction conjugale. Les partenaires ont avantage à se planifier, à tour de rôle, des moments où ils n’auront pas à assumer de responsabilités de famille ou de travail.
Comme vous pouvez le constater, garder son couple en santé demande de l’énergie, de l’attention et de la collaboration. Il est facile de se laisser envahir par le travail lorsque ce dernier est dans la maison. Les couples qui s’éloignent sont souvent ceux qui n’ont pas pris soin de leur relation.
Le télétravail apporte son lot important de défis. Il ne nous est plus possible maintenant de cloisonner nos espaces comme nous étions habitués à le faire. Ce nouveau mode de vie s’est imposé radicalement et nous a obligés à mille cabrioles avant de nous laisser un peu désarmés et désorganisés.
Néanmoins, de belles inspirations commencent à jaillir de ce nouvel état des choses : des relations interpersonnelles se renforcent, d’autres se créent, on salue des inconnus croisés dans la rue, on rigole de nos travers de société, on se mobilise pour le bien commun.
La santé psychologique recouvre ses lettres de noblesse. Plus que jamais, on reconnaît qu’il est normal de se sentir surchargé mentalement, d’être moins performant qu’à l’habitude, de vivre de l’anxiété ou d’avoir une humeur en montagnes russes.
Cette période de confinement s’achèvera bien un jour ou l’autre. D’ici là, essayons de répondre à nos besoins autrement, en profitant du temps qui nous est imparti pour nous recentrer, nous reposer, profiter du moment présent ou se découvrir autrement. Surtout, soyons indulgents envers nous-mêmes et laissons-nous le temps d’apprivoiser ce que la vie a de bon à nous offrir.
Vous sentez le besoin d’être accompagné par un professionnel ? Faites appel à l’un des psychologues de la Clinique de psychologie Québec.
Références, en ordre d’apparition dans le texte :
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