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Trouver le juste milieu dans l’éducation de nos enfants

Les approches modernes en éducation orientent les parents vers la bienveillance et la parentalité positive. Plusieurs parents, de nos jours, sont influencés par ces approches. Ils comprennent qu’ils doivent être accueillants face à tout ce que l’enfant exprime, y compris sa colère, sa frustration, sa mauvaise humeur, etc. Dans ce contexte d’ouverture, l’enfant peut sentir qu’il a tous les droits. Griffer, taper, bouder, pleurer parce qu’il n’a pas ce qu’il désire, faire une crise : voilà des comportements qu’il adopte. Il en est ainsi lorsque l’approche privilégiée ne comporte pas le contraire de l’accueil inconditionnel, soit la capacité à mettre des limites claires à l’enfant.

 

Mettre des limites claires à l’enfant

Dans un article paru dans Vie de Parents « Les troubles anxieux chez les enfants : Comment les prévenir? Comment accompagner? », il est question d’une sensation fondatrice de l’identité, soit la sensation des limites. Cette sensation est cruciale dans le développement de l’enfant. Elle lui permet de circonscrire de manière très évidente ce qui est permis et ce qui n’est pas permis pour sauvegarder le plaisir, le bien-être et la sécurité dans la relation entre les partenaires, soit entre lui et ses parents. L’encadrement du parent se doit d’être constant et assez strict pour que l’enfant sente clairement qu’on ne le laissera pas se désorganiser et qu’on a à cœur son bien-être, son plaisir et sa sécurité, comme on voit comme parents à son propre confort. Par ailleurs, le plaisir ressenti par le parent qui est en interaction avec son enfant, ce plaisir est en fait un guide pour savoir quand intervenir pour mettre des limites. Si le déplaisir s’installe, écouter sa petite voix intérieure qui dit « Je ne veux pas! », « Je n’aime pas ça! », « Je n’accepte pas! », « Non! », « Ça suffit pour moi! ». Autant d’expressions qui viennent spontanément mettre un frein à la désorganisation de l’enfant si l’enfant est réceptif. C’est rassurant pour un enfant de sentir que quelqu’un veille à son confort à lui et à son propre confort comme parent pour demeurer dans une énergie positive. La sensation de sécurité s’en trouve renforcée. Il développe le sens des limites et apprend à gérer la frustration qu’il éprouve lorsqu’il est interrompu par une limite donnée par son parent.

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Gérer la sensation de frustration

La sensation de frustration est tout aussi importante dans la construction de l’identité de l’enfant. La réalité nous enseigne tôt ou tard que tous nos besoins et désirs ne seront pas comblés sur-le-champ. Plusieurs parents se « désâment » de nos jours en tentant d’éviter de frustrer l’enfant. Or, il s’agit d’un apprentissage fondamental. La surprotection n’aide pas l’enfant à développer sa confiance en soi, sa confiance en ses propres ressources puisque son parent s’assure de combler tous ses besoins et désirs et de lui paver le chemin pour qu’il ne manque de rien.

 

Gérer la sensation de manque

S’il est une sensation fondatrice de l’identité, c’est bien la sensation de manque. Pourtant tant de personnes, enfants et adultes, tentent de nier cette sensation ou de la camoufler, de l’éliminer même en faisant quelque chose pour se divertir : boire, manger, s’adonner à des jeux compulsifs qui se complexifient avec l’âge, etc. Tous les excès sont à portée de main lorsqu’on tente de fuir la sensation de manque pourtant si importante dans notre développement comme humain.

La sensation de manque nous ramène dans notre corps unique qui, dans les faits et dans la réalité, est séparé des autres corps. Le rêve d’une osmose symbiose que nous entretenons tous comme enfants est appelé à se transformer avec la maturité. En ressentant la sensation de manque, la solitude du corps unique se pointe. Cette solitude peut faire peur. L’enfant a donc besoin d’être rassuré et réconforté par des modèles d’adultes qui composent positivement avec cette sensation corporelle de manque et qui ne communiquent pas d’anxiété face à elle.

 

Jouer le jeu du pousse-pousse

Françoise Dolto fait un parallèle entre le processus que tout humain vit pour devenir un être séparé et quitter la fusion originelle avec le jeu du pousse-pousse. Dans ce jeu, on bouge les pièces à partir d’une case vide qui permet le mouvement des pièces jusqu’à faire une séquence qui a du sens. Dans le même sens, la sensation de manque est à apprivoiser, à accepter de ressentir plutôt que de chercher à la fuir en s’étourdissant avec des comportements compulsifs, addictifs, excessifs, dépendants, etc.  La sensation de manque permet le mouvement vers la réalisation de soi comme personne unique.

 

Apprivoiser la solitude

La solitude ne doit plus être perçue comme une tare. Elle a besoin d’être apprivoisée, nourrie avec le désir profond de se réaliser que tout être vivant porte en soi. Au lieu de se divertir pour fuir la solitude, l’enfant peut apprendre à prendre soin de lui, en développant son intériorité. Il peut apprendre à s’automaterner et à s’autopaterner, comme nous dit Françoise Dolto. En demeurant dans cette sensation de manque, l’enfant laisse émerger son désir profond et va vers des horizons nouveaux pour développer son potentiel et devenir graduellement une personne autonome et responsable qui s’investit dans le monde réel avec sa créativité.

 

Conclusion

Les approches de bienveillance et de parentalité positive ne doivent pas faire fi des sensations fondatrices de l’identité de l’enfant : la sensation des limites, la sensation de frustration, la sensation de manque. Pour trouver le juste milieu, il est souhaitable d’accueillir l’enfant et de l’encadrer avec des limites fermes pour ne pas qu’il se perde et pour qu’il se développe sainement. Les modèles que nous offrons comme parents ont toute leur importance.

 

Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation

 

Références

Jocelyne Petit, Vie de Parents, « Les troubles anxieux chez les enfants: Comment les prévenir? Comment accompagner? 2024.

Françoise Dolto, Tout est langage, Éditions Gallimard, 2014.

Françoise Dolto, La cause des enfants, Éditions Robert Laffont, 2011.

Françoise Dolto. Les étapes majeures de l’enfance, Éditions Gallimard, 2014.

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