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Maternité et CrossFit : combinaison gagnante?
Le CrossFit gagne du terrain ces dernières années en matière de fitness. Il s’agit d’une discipline qui combine force athlétique, haltérophilie, gymnastique et sports d’endurance. Le terme CrossFit vient de Cross Fitness (en français, entraînement physique croisé) de par le mélange de différentes activités physiques et sportives préexistantes. Personnellement, j’aime bien le CrossFit, lorsqu’il est pratiqué de manière progressive et sécuritaire. Mais ces derniers temps, le CrossFit est tellement tendance que nous voyons de plus en plus dans les médias sociaux des femmes enceintes ou des nouvelles mamans publier des photos d’elles en posture d’haltérophilie…
Si vous ne connaissez pas le CrossFit, il s’agit d’un type d’entraînement par stations d’exercices, qui la plupart du temps travailleront plusieurs parties du corps en même temps. Ce sport a été inventé par ancien gymnaste universitaire et son ex-femme Lauren Glassman dans les années 1970, dans leur garage transformé en salle d’entraînement. Le premier centre affilié CrossFit a ouvert à Santa Cruz en 1995, année où Glassman est embauché pour entraîner les services de police de Santa Cruz (on est loin de la femme enceinte). Il y a différentes structures d’entraînement utilisées, dont les plus fréquentes sont : faire le plus de « rondes » du circuit dans un temps prédéterminé, ou bien faire le circuit le plus rapidement possible. Notons aussi que des charges sont suggérées afin de faire partie d’un genre de « ligue » de CrossFit, ainsi les résultats de chacun sont inscrits, ce qui augmente le côté compétitif de la chose.
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Habituellement je suis assez nuancée quant au choix de l’entraînement qu’on désire adopter durant la grossesse, mais quand on parle de CrossFit, j’ai un petit bémol.
Voici donc mes petits « hics » :
- Esprit compétitif : comme je l’ai déjà mentionné, à moins d’être très disciplinée et expérimentée dans le domaine, aller au-delà de ses limites réelles enceinte, c’est un piège à éviter. Surtout lorsqu’on est entourée de personnes qui cherchent à se dépasser. Mon conseil numéro 1 pour toutes les femmes enceintes qui recherchent un entrainement intense : écoute-toi. Je ne suis pas certaine que l’environnement du CrossFit facilite cet état d’esprit.
- Les exercices d’haltérophilie : l’haltérophilie est une méthode de musculation qui permet de travailler la force et la puissance. Il s’agit souvent de mouvements rapides qui sont exécutés avec des charges importantes. Une bonne technique est vraiment primordiale, car des blessures au dos peuvent survenir facilement. Sans vouloir généraliser, ce n’est pas à tous les gyms de CrossFit que l’on retrouve un entraîneur qui supervise judicieusement et qui a le temps d’expliquer chaque mouvement aux nouveaux clients. Notons aussi que plusieurs exercices avec des poids au-dessus de la tête peuvent générer une hyperlordose, si les abdominaux sont trop faibles. C’est souvent le cas en périodes pré et postnatales. Je ne sais pas pour vous, mais une entorse lombaire enceinte ou pendant un « congé » de maternité, ce n’est vraiment pas l’idéal.
- Les exercices ne sont pas conçus pour la femme enceinte et la nouvelle maman : la nature du CrossFit n’est pas d’entraîner les femmes enceintes, ni les nouvelles mamans alors sauts, « crunchs », grandes charges et courses sont au programme.
- La formation CrossFit : aux dernières nouvelles, il n’y a pas de section maternité dans la formation. L’entraîneur, à moins d’une formation complémentaire, n’est peut-être pas outillé pour modifier les exercices.
- Selon une étude : « La manipulation de poids associée à des mouvements balistiques peut-être très fatigant et dangereux pour les articulations. En effet, effectuer des séries répétées avec des lestes tout en effectuant des mouvements peut fatiguer le sportif et provoquer à court terme de graves inflammations des tendons»[1]. Imaginez pour une femme enceinte qui a la relaxine dans le tapis!!!
Certaines d’entre vous décideront peut-être de continuer tout de même le CrossFit. Voici donc quelques conseils pour les têtes dures 😉 :
Enceinte :
- Durant la grossesse l’objectif devrait être de maintenir la forme physique et non de l’améliorer. Nous éviterons les grandes charges et choisirons plutôt de faire plus de répétitions, mais avec de petites charges.
- Comme les abdominaux sont très étirés et moins forts, nous éviterons tous les mouvements dynamiques avec une charge lourde qui visent à amener un poids au-dessus de la tête (arraché, épaulé-jeté, etc.). Ces longs mouvements créent souvent une hyperlodose, car les abdominaux ne sont pas assez forts pour maintenir le bassin au neutre.
- Nous éviterons les exercices avec des charges loin de soi. En effet, nous rapetisserons le bras de levier en rapprochant les poids du centre du corps, afin d’éviter une trop grande sollicitation des abdominaux.
- Nous éviterons tous les mouvements de «crunchs» et, à partir de 14 semaines de grossesse, éviterons aussi la planche et tous les exercices faisant apparaître une «bedaine pointue».
- Nous éviterons d’être trop essoufflées. La femme enceinte devrait toujours être capable de tenir une discussion durant l’effort.
Après avoir accouché :
- L’objectif devrait être la réhabilitation. Ainsi, il est important d’y aller PROGRESSIVEMENT et de ne pas sauter d’étapes.
- Nous éviterons les «crunchs». En réhabilitation postnatale, le renforcement des grands droits est la dernière étape. Idéalement, il est préférable d’avoir renforcé les muscles abdominaux les plus profonds, afin qu’ils puissent tenir les organes en place. De plus, les «crunchs» pourraient augmenter la diastase et la pression sur les organes et créer des fuites urinaires, entre autres. Quant aux planches, une progression est aussi de mise. Vous n’obtiendrez aucun résultat réellement efficace en commençant par 1m30 de planche. Nous débuterons par des planches de 10 secondes en nous assurant que la technique soit parfaite, donc, le nombril rentré et le dos bien placé.
- Nous attendrons un peu avant de reprendre la course à pied. Encore une fois, la progression est la clé du succès.
Bien sûr, il y a toujours des exceptions. Si vous connaissez bien les contre-indications, que vous êtes expérimentée ou que votre entraineur est spécialisé en maternité, alors c’est votre choix. Mais disons que le CrossFit n’est pas la première méthode d’entraînement que je suggère aux femmes enceintes ou aux mamans qui veulent se remettre en forme directement après l’accouchement. Il y a tellement d’autres options et on parle ici de la période prénatale et postnatale, ce qui représente, sur le fil d’une vie, assez peu de temps!
Bon entraînement!
[1]· ↑ Avantages et inconvénients du Crossfit [archive], sur le blog de moncoach.com par Alexandre Cougier. (March 19, 2014)