Disons-le d’entrée de jeu : nous allons présenter ici une nouvelle vision du conte de Blanche-Neige et ce, à partir de l’histoire racontée par les frères Grimm. Tenter de comprendre l’abus vécu par Blanche-Neige au lieu de l’idéaliser comme belle jeune femme douce et gentille, ou encore de l’accuser et de la blâmer d’être trop naïve et innocente sera notre objectif principal associé à l’objectif d’aider Blanche-Neige à résoudre son conflit. Nous allons examiner ce que chacun des personnages du conte peut nous donner comme indices pour sortir Blanche-Neige du pétrin. Nous allons considérer chacun des personnages comme des parties de soi positives et négatives, comme des projections de notre vie intérieure. La dynamique bourreau-victime, prédateur-proie apparaîtra. Il est à souhaiter que nous serons mieux outillés, comme adultes, pour accompagner les enfants en lisant ce conte.
Le conte Blanche-Neige des frères Grimm raconte l’histoire d’une jeune fille qui a perdu sa maman à sa naissance et dont le père se remarie un an plus tard. Or, la belle-mère s’avère être vaniteuse et jalouse au point d’interroger continuellement son miroir pour s’assurer qu’elle est la plus belle. Le jour de l’anniversaire de 17 ans de Blanche-Neige, le miroir révèle à la belle-mère que Blanche-Neige est mille fois plus belle qu’elle. Ceci rend la belle-mère folle et l’amène à planifier la mort de Blanche-Neige. Un chasseur est engagé pour mener à terme ce projet maléfique mais, comme Blanche-Neige le supplie de lui laisser la vie sauve, il ne la tue pas. Alors, Blanche-Neige erre dans la forêt à la recherche d’un abri. Elle trouve la maison des sept nains. Elle y sera bien accueillie en autant qu’elle contribue aux tâches ménagères. Les nains lui prodiguent des conseils sérieux qui deviennent des enseignements en situation d’abus que l’on peut retenir :
Mais Blanche-Neige éprouve beaucoup de difficultés à écouter ces conseils judicieux et à reconnaître l’abus qu’elle a vécu et qu’elle revit à chaque fois qu’elle ouvre la porte à la belle-mère, déguisée en « bonne femme ». En effet, à trois reprises, elle ne se méfiera pas et ouvrira la porte pour recevoir des soins au corps : être habillée, être peignée, être nourrie. Mais, pour le prédateur, ce sera toujours dans le but de la tuer : le corset est trop serré, le peigne est empoisonné et la pomme de même. De fois en fois, Blanche-Neige ne réalise pas qu’elle est abusée et ce, malgré les paroles des nains qui la mettent en garde et lui reflètent sa situation avec justesse. Les nains perçoivent bien le problème de Blanche-Neige et réussissent à la réanimer deux fois. Mais pas la troisième fois avec la pomme. Ils se résignent donc à la mettre dans un cercueil de cristal somptueux qu’ils transportent en haut de la montagne. Ils assurent sa protection en montant la garde.
Comprendre la difficulté de Blanche-Neige et l’aider à s’en sortir
On peut penser que toutes sortes d’émotions négatives sont susceptibles de se tapir sous cet aveuglement et ce déni. La tristesse, la culpabilité, la honte, le sentiment de manque, le sentiment d’abandon, la peur, la colère, etc. risquent bien d’être ressentis si Blanche-Neige observait bien sa réalité et accueillait bien les émotions en elle. Or, on sait très bien, dans la vraie vie, combien il est difficile de ressentir des émotions négatives et de ne pas perdre le nord, en se décourageant, en devenant déprimé. Plusieurs personnes optent aussi pour l’aveuglement et le déni par crainte de sombrer « dans le côté obscur de la force ». Se concentrer sur le positif aide à tenir le cap, même si la réalité vécue réellement n’est pas rose. Comment continuer de percevoir le positif de la vie malgré l’abus vécu à reconnaître? Voilà une question fondamentale que chacun doit se poser pour faire face au négatif de la vie! Blanche-Neige a 17 ans. Elle est une adolescente. Elle a la vie devant elle. Elle ne reçoit pas d’aide de ses parents : sa mère est décédée, son père ne semble pas intervenir en sa faveur dans le problème qu’elle rencontre dans la relation avec sa belle-mère. Cette dernière veut la tuer. Ce n’est pas peu dire ! C’est l’abus le plus grave! Alors, pour tenir le coup, elle se coupe de son ressenti qui lui ferait mal. On peut la comprendre. Elle n’est pas la seule à choisir de se concentrer sur ce qui va bien plutôt que d’affronter ce qui va mal ou fait mal. C’est un mécanisme de défense bien connu que l’on nomme « déni ». Donc, sans ce support de ses parents pour voir clair dans sa situation abusive, c’est difficile! Quand une « bonne femme » se présente pour lui offrir des soins nourriciers, Blanche-Neige ne résiste pas. Comme elle en a besoin, elle en manque, elle ouvre la porte. Les nains essaient bien de l’aider à voir clair mais le ressenti négatif est immense et Blanche-Neige ne se résout pas à y faire face. Si elle s’automaternait et s’autopaternait (Françoise Dolto), elle deviendrait son propre père et sa propre mère (1) pour prendre la responsabilité de ce qui lui arrive et agir pour sa propre protection, en reconnaissant qu’elle est abusée. Elle développerait une présence à soi bénéfique (1). Les enseignements sont bien évidents et les nains lui en communiquent plusieurs de ceux-ci face à l’abus :
Blanche-Neige a à faire le deuil de l’enfance pour prendre sa vie en main et apprendre à se protéger, en prenant soin d’elle-même par elle-même puisque ses parents ne le font pas. Avec courage, elle doit faire face à sa vraie réalité, à ses vraies émotions et ce, sans perdre le nord. Elle a l’aide des nains qui ont à cœur son bien-être.
Blanche-Neige se montre naïve et le schème abusif se répète, comme il le fait dans la vraie vie quand on n’ose pas voir sa propre réalité et que l’on cherche à se maintenir dans un monde idéalisé. L’illusion du positif attire le prédateur (2). Reconnaître le prédateur extérieur et le prédateur intérieur, en voyant celui qui participe à l’abus en le niant. Pour s’en sortir, Blanche-Neige doit :
Comme Blanche-Neige ne réussit pas dans le conte à se repositionner par elle-même, le conflit se résout heureusement quand l’amour d’un prince vient créer des conditions où le cercueil est déménagé et que la pomme coincée dans sa gorge se détache. Le déménagement de position se fait grâce au prince, grâce à son énergie masculine, grâce à l’amour qu’il projette sur Blanche-Neige qui revient à la vie.
Il n’est pas rare dans les contes que le conflit se résout par la rencontre du masculin et du féminin avec les symboles du prince et de la princesse qui sont amoureux et se marient. Ces images du prince et de la princesse symbolisent la métamorphose d’un moi inférieur en un moi supérieur par la force de l’amour total et absolument généreux. Cette rencontre masculin-féminin est en fait intérieure dans les énergies féminines et masculines qui nous habitent tous depuis notre gestation. Ces énergies sont en nous. C’est en les conjuguant qu’on résout le conflit, qu’on sort de l’abus parce qu’on devient capable de le voir en l’accueillant avec des limites, bref, en se contenant. (Voir l’article paru dans Vie de Parents « Vaincre l’impulsivité comme enfant et comme adulte). Réalisant cette intégration masculin-féminin en soi à partir des modèles vécus, nous évitons que le schème abusif se répète.
Le jour du mariage, la belle-mère vient et en voyant Blanche-Neige danser avec le prince, elle éprouve une rage terrible qui l’envahit et provoque sa mort. Ici aussi, nous avons un enseignement qui nous oriente dans le même sens:
Comment exploiter ce conte avec les enfants ?
D’abord, questionner les enfants sur la position de chacun des personnages, leur demander ce qu’ils en pensent. Ensuite faire ressortir les messages principaux déjà énoncés que nous récapitulons et prononcer des mises en garde soit :
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
Références
J et W. Grimm, Blanche-Neige, Éditions Grund, 1998
(1) Denis Pelletier, L’Arc-en-soi : essai sur les sentiments de privation et de plénitude, Éditions Robert Laffont, 1980
(2) Clarissa Pinkola-Estès, Femmes qui courent avec les loups, Éditions Livre de poche, 2001
Jocelyne Petit, IL était une fois le pouvoir, guide à l’intention des intervenants et des parents, Éditions I.Q., 2003
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