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L’intimidation : une relation de pouvoir abusif à déconstruire

Toutes les écoles du Québec doivent se doter d’un plan d’intervention pour contrer l’intimidation. Des valeurs fondamentales sont alors communiquées aux jeunes : le respect de soi, le respect d’autrui, le respect de l’environnement, le respect de la dignité humaine, la confiance, l’inviolabilité de chaque personne, le civisme, la compréhension, l’acceptation des différences, le savoir-vivre, le respect de l’orientation sexuelle de chacun pour n’en nommer que quelques-unes. La direction de chaque école est responsable de relever les plaintes dans des cas d’intimidation ou de violence. Chaque centre scolaire a son protecteur de l’élève auquel on peut s’adresser pour faire respecter ses droits.

Qu’est-ce que l’intimidation ?

La Loi sur l’instruction publique définit ainsi l’intimidation : « Tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l’inégalité des rapports de force entre les personnes concernées, ayant pour effet d’engendrer des sentiments de détresse et de léser, blesser, opprimer ou ostraciser. »

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Nous comprenons avec cette définition légale qu’il y a un rapport de force abusif de la part de l’intimidateur et que ce type de rapport est à déconstruire pour enfin respecter la dignité de chaque être humain et voir cesser l’abus qui a lieu.

Qu’est-ce que la cyberintimidation ?

La cyberintimidation est le fait d’utiliser le cyberespace (textos, courriels, réseaux sociaux, jeux en ligne, etc.) pour envoyer des messages d’insultes ou des menaces, pour exclure une personne d’un groupe ou pour la rabaisser en la ridiculisant, en publiant une photo sans son consentement. Ce type d’intimidation est souvent anonyme. La cyberintimidation s’observe surtout à l’adolescence.

La position abusive de l’agresseur

L’agresseur a souvent une soif de pouvoir qu’il satisfait aux dépens de la victime. Le besoin de dominer caractérise la relation de l’agresseur à la personne intimidée. L’agressivité peut être perçue par l’agresseur comme la meilleure façon de régler des conflits. Le silence de la victime le nourrit dans ses actions invalidantes. En créant la peur chez la victime, l’agresseur prend du pouvoir. Il se sent alors puissant et en contrôle. Ce pouvoir est à déconstruire car il est malsain. Il est abusif. La relation établie en est une de dominant/dominé, de bourreau/victime. L’agresseur a souvent de la difficulté à exprimer verbalement sa colère et ses frustrations. Il n’apprécie pas du tout le fait de se montrer vulnérable. Il peut manquer d’empathie envers les autres et ne comprend pas toujours les conséquences et les effets sur les autres de ses actions. Il peut lui-même avoir déjà vécu de l’intimidation. Et il peut percevoir ses agissements comme de l’auto-défense, en attaquant avant d’être lui-même attaqué.

Plusieurs comportements et attitudes peuvent être observés qui sont intimidants. Pousser, voler des objets, uriner sur la personne, donner des coups, frapper, faire des attouchements non désirés,  dire des mots blessants, exclure une personne, ridiculiser une différence, insulter, mordre, cracher sur la personne, tirer ses cheveux, parler dans le dos de la personne, faire tomber la personne, l’humilier, alimenter de fausses rumeurs à son sujet, dénigrer la personne, la menacer, abimer ou détruire son matériel , l’ignorer, crier des noms, se moquer d’elle, faire des commentaires sexistes, racistes ou homophobes, faire des blagues sur l’orientation sexuelle d’une personne, etc. La liste est longue!

La position de la victime : des signes à observer

La victime d’intimidation peut pleurer souvent. Elle peut se mettre en retrait et s’isoler du groupe auquel elle appartient.  Elle peut se soumettre au bourreau et adopter une posture physique repliée, affaissée sur elle-même, avec une voix basse, un regard fuyant, une expression faciale annulant ses propres sentiments. Elle peut demeurer silencieuse avant, pendant et après l’agression. Sa motivation pour fréquenter le lieu où l’intimidation se passe diminue grandement. Elle peut mal se sentir, dire qu’elle est malade, mal dormir, perdre l’appétit, vivre de l’anxiété, de la méfiance, de la peur. Elle peut revenir à la maison avec des vêtements sales ou encore des blessures. La victime communique souvent mieux avec les adultes qu’avec les enfants de son âge. Elle peut se dénigrer elle-même, ne pas se sentir bonne. Elle éprouve beaucoup de difficultés à s’affirmer et à se défendre. Ses résultats scolaires peuvent diminuer et démonter son trouble. Elle adopte un comportement soumis ou passif. Elle peut éprouver certaines difficultés à se faire des amis.

Comment accompagner l’agresseur?

  • Développer les habiletés sociales de la personne : apprendre à accepter un refus, apprendre à accepter les différences, apprendre à résoudre des conflits (Voir l’article paru dans Vie de Parents « Comment aider les enfants à résoudre leurs conflits? ») développer le contrôle de son impulsivité et de son agressivité.
  • Demeurer calme et parler d’intimidation avec le jeune. Le sensibiliser aux effets de l’intimidation. L’aider à reconnaître les signes d’intimidation.
  • Développer le sens des limites par l’interdit clair et ferme de faire mal, d’intimider, d’agresser.
  • Orienter vers la réparation du geste posé envers la victime.
  • Prendre conscience de la posture, du ton, des paroles, du regard, de l’attitude et quitter la position physique de l’agression.
  • Développer l’empathie et la sensibilité face aux effets de ses actions sur les autres et face aux besoins des autres.
  • Apprendre à exprimer la colère et la frustration par des moyens appropriés.
  • Apprendre à se calmer quand la tension monte.
  • Discuter à l’aide de documentation-jeunesse de l’intimidation, de ses effets, de la manière de l’éviter (Le vilain petit canard, Cendrillon, Les habits neufs de l’empereur, etc.).
  • Apprendre à surmonter les difficultés sans recourir à l’agression et sans exercer un pouvoir abusif.
  • Installer des programmes ou des applications de contrôle parental sur les écrans disponibles pour limiter l’accès à certains sites ou contenus. Vérifier la nature des conversations que le jeune a en ligne.
  • Consulter au besoin un psychologue ou un psychoéducateur pour aider le jeune à mieux gérer ses émotions.

Comment accompagner la victime d’intimidation?

  • Aider la victime à se fortifier en s’assumant dans les choix qu’elle fait (Voir le blogue dans Vie de Parents « Aidons nos enfants à s’assumer ». Le jeune doit rétablir son sentiment de sécurité et reprendre le pouvoir sur la situation en ne se laissant pas atteindre ni toucher ni affecter par l’intimidation.
  • Demeurer calme et écouter le jeune décrire la situation, sans juger. Lui demander ce qu’il ressent. Encourager la dénonciation de l’évènement aux autorités concernées.
  • Développer l’estime de soi de la victime (Voir l’article paru dans Vie de Parents « L’estime de soi : un trésor à transmettre de génération en génération ».
  • Développer le sens de l’humour : apprendre à rire de soi, à prendre une distance émotive face à ses différences, apprendre à reconnaître ses erreurs et à les accepter.
  • Développer la capacité d’affirmation de soi, de ses besoins et désirs. Développer la confiance en soi.
  • Valoriser la contribution unique et particulière de la personne.
  • Prendre conscience de la posture physique de la victime qui attire le bourreau. S’en dégager pour prendre une position physique plus campée et affirmative. Enseigner les postures physiques d’affirmation.
  • Apprendre à quitter l’auto dénigrement, l’auto invalidation pour plutôt apprécier ses qualités propres.
  • Apprendre à quitter la scène d’intimidation et aller chercher de l’aide auprès d’une personne de confiance. Dénoncer l’intimidation. Apprendre à quitter la loi du silence.
  • Apprendre des techniques d’auto protection et d’auto défense.
  • Apprendre à verbaliser de manière affirmative ses sentiments plutôt que de les annuler.
  • Apprendre à dire NON sur un ton convaincant.
  • Aider la victime à se construire un écran de protection où sa valeur personnelle, ses talents uniques, son estime de soi sont préservés malgré l’invalidation vécue.
  • Éviter de régler le problème à la place du jeune. Le responsabiliser.
  • S’adresser au besoin au Centre de services scolaires et parler avec le Protecteur de l’élève.
  • Faire des jeux de rôles avec le jeune. L’aider à s’affirmer, à mettre ses limites, à dire NON!
  • Recourir à des ressources extérieures au besoin : TEL-JEUNES (1 800 263-2266), Jeunesse j’écoute (1 800 668—6868), psychologue, psychoéducateur, policier.

 

Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation

 

Références

Équipe Naître et grandir, revue Naître et grandir, L’intimidation : comment la reconnaître et réagir, 2021

Maria G. R. Robichaud, L’enfant souffre-douleur, l’intimidation à l’école, Éditions de l’Homme, 2003

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