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J’ai peur d’avoir un garçon
Lorsqu’on nous apprend qu’on aura le privilège d’être mère, tout ce que nous souhaitons sincèrement c’est avoir un enfant en bonne santé. Un enfant qui pourra jouir de la vie sans contrainte, qui pourra s’épanouir et grandir, s’émerveiller et s’intégrer. Puis les mois avancent et on nous rassure, bébé est en sécurité dans ce grand ventre qui grossit et aucun problème n’est à envisager pour le moment. On respire. Puis, on se permet d’en demander un peu plus à la vie.
Dans mon cas, ce « un peu plus » se manifeste par le sexe de mon enfant à naître. Même si, en 2019, c’est une catégorisation de plus en plus surfaite, même si on s’attend à ce moment magique où on aimera cet enfant quoi qu’il advienne, moi j’ai peur. J’ai peur, parce que je suis une femme, élevée avec une petite sœur et qu’un petit garçon, pour moi, c’est tellement loin de tout ce que je connais.
Je marche régulièrement en forêt avec mon conjoint et lorsque l’on croise des familles, je vois ces petites filles jouer avec les feuilles, s’exciter devant un écureuil, réclamer l’attention de papa, et puis je croise ses petits garçons qui sortent des sentiers en courant, qui frappent les troncs des arbres avec des branches et qui jouent à la guerre. Je les regarde avec attention, je comprends et à la fois, je ne comprends pas, peut-être parce que je suis une petite fille sage, parce que pour moi frapper n’a rien d’amusant. Je me tourne vers mon conjoint, je tente de regarder à travers ses grands yeux bruns et je voudrais pouvoir voir ce que lui voit, issu d’une famille de trois garçons, tout ça n’a rien d’anormal pour lui et il me rassure en me disant que tout va bien aller. Je regarde ces mères qui encouragent leur fils sur le terrain de soccer, celles qui rêvent d’une maison remplie de petits garçons, celles qui accompagnent une troupe de gamins voir le dernier film d’action au cinéma, et je les trouve magnifiques, fortes, sûr d’elles. La chef d’une joyeuse tribu de petits indiens.
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Mais la vérité est là. J’aurai mon échographie dans quelques jours et je suis terrifiée à l’idée d’avoir un garçon, de ne pas comprendre ce petit être qui pousse dans mon ventre, de ne pas pouvoir l’aider à grandir et s’épanouir en tant qu’homme, en tant qu’individu. Je culpabilise et j’enrage d’avoir aussi peur, de ressentir autre chose que cet amour inconditionnel que toutes les mères se doivent de ressentir. J’ai peur qu’il sente ma peur, qu’il ne se sente pas aimé comme il le devrait. D’être une mauvaise mère.
Alors que fait-on ? On pleure, on se dit que c’est les hormones, on écoute les autres mamans nous rassurer, nous convaincre que les autres sont mal élevés, que le nôtre nous ressemblera, on essaye de balayer nos craintes du revers de la main. J’ai ensuite cherché des témoignages de futures mères qui avaient les mêmes appréhensions que moi, ou qui les avaient vécues, mais je n’ai rien trouvé, alors je suis restée devant mon écran, toujours aussi seule. J’ai donc décidé de témoigner, de prendre le risque d’avoir l’air horrible, ridicule, sexiste ou pas assez forte.
Je suis une future maman et j’ai peur d’avoir un garçon. J’entame une aventure pleine d’inconnus et d’apprentissages, et avoir un garçon serait un tout autre niveau de mystère pour moi. J’ai peur et je ne peux rien y faire. On me parle de cet attachement si particulier qui peut se créer entre un petit garçon et sa mère et, au final, je ne me dis que ça ne me ferait pas de mal un petit homme pour déblayer l’entrée l’hiver, que ça me coûtera moins cher de linge et une tonne d’autres préjugés qui ne veulent plus rien dire de nos jours.
Et je me calme enfin un peu, je pense à mon amoureux qui sera là pour moi, à tout ce que ce petit être pourra m’apprendre, qu’il soit un garçon ou une fille, et j’ai hâte de le/la rencontrer.
Rédaction :
Claudie Hinse
Mise à jour : 8 janvier 2019
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