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J’ai accouché prématurément

J’ai accouché prématurément. J’ai vu mes enfants se battre pour leur survie. Je n’ai pas réussi à mener ma grossesse à terme.

Même si, vivant une grossesse gémellaire, j’étais consciente des risques d’accouchement prématuré, mon accouchement prématuré fut le plus grand choc de ma vie. Il faut dire que, dès le moment où j’ai appris qu’il n’y avait pas un mais deux bébés, j’ai décidé de focusser sur le positif. Je me suis dit que si 50% des grossesses gémellaires finissent en accouchement prématuré et que la moyenne du terme est de 35 semaines, il y a quand même un certain pourcentage qui se passe bien. J’ai décidé de croire que je ferais partie de ce pourcentage.

Or, malgré tout mon positivisme, l’histoire ne s’est pas déroulée comme souhaitée.

Ce fut donc un immense choc de me faire dire, à 26 semaines pile, suite à un décollement du placenta, que j’étais en plein travail actif et que j’accoucherais probablement dans les prochaines heures…. Je me rappellerai toute ma vie du tourbillon d’émotions qui m’a alors envahie. Tout s’écroulait. Mon corps était hors de mon contrôle. Cette fidèle machine, qui avait toujours été au rendez-vous, ne fonctionnait plus et risquait d’emporter avec sa défaillance ce que j’avais de plus précieux; mes enfants. Je me sentais impuissante, et pour la première fois de ma vie, ce sentiment d’impuissance était face à moi-même.

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Je fus transféré d’hôpital en ambulance, on me perfora et, pendant 48 heures, on me médicamenta pour stabiliser le travail. Grâce aux bons soins du personnel médical et à leurs encouragements, mes petits minous sont restés au chaud encore plusieurs semaines (j’en profite pour faire une mention spéciale à l’excellent travail de Joanie, infirmière et du Dr Blanchet, dédiés aux grossesses à risque au CHUL).

Pendant ces semaines que j’ai passée hospitalisée et à risque d’accouchement constant, nous avons pu essayer de nous préparer à ce qui nous attendait. Je dis bien ESSAYER. Nous avons réellement cru que nous nous y préparions… Nous avons rencontré un néonatalogue qui nous a expliqué les risques, nous avons posé des questions et nous avons passé des heures et des heures à parcourir Internet à la recherche d’informations, des photos et de vidéos. Mais en fait, avec du recul, je réalise que j’aurais pu passer 6 mois alitée à essayer de m’y préparer, je n’aurais jamais pu y être réellement prête.

Après avoir passé des semaines alitée avec des contractions, puis avec la « poche bombante » et quelques jours avec les membranes fissurées, j’ai décroché psychologiquement. Je n’avais tout simplement plus la force de vivre ça. Dans l’heure suivant ce changement d’esprit, mon travail a repris. Peu de temps après, j’étais en salle d’opération à recevoir la rachi.

Pendant les 77 jours suivant l’accouchement, j’ai passé le plus clair de mon temps au chevet de mes enfants, qui vivaient chacun leur tour, de petites victoires puis des reculs. Et tout cela recommençait sans cesse, les montagnes russes d’émotions nous déstabilisaient quotidiennement à un point tel que nous n’osions même plus nous réjouir des petites victoires, de peur qu’on nous les enlève. Petit train va loin, me répétait le néonatalogue…  Nous nous familiarisions avec le vocabulaire médical et nous habituions à côtoyer les spécialistes en nous demandant parfois quel était notre rôle en tant que parent à l’unité néonatale. Quel sentiment atroce pour une mère qu’est celui de ne pas réussir à répondre aux besoins de son enfant elle-même. Je me résignais donc à suivre les statistiques avec le plus grand intérêt (taux d’oxygène, de pression, hyperalimentation, tolérance au lait, calories ingérées, grammes gagnés); tout était monitoré et noté. Je m’inquiétais constamment sur l’avenir de mes enfants. Seraient-ils handicapés? Sourds? Auraient-ils des problèmes neurologiques? Digestifs? Visuels? Je devais également faire une panoplie de deuils : l’accouchement naturel, l’allaitement, la maternité normale, repartir à la maison avec ses enfants, mener ma grossesse à terme. J’ai aussi du voir mes enfants devoir se battre pour leur survie dès leur arrivée.

Aujourd’hui, mes enfants ont presque 2 ans et, malgré un système immunitaire plus fragile, ils sont en parfaite santé. Mon rôle de mère est pleinement retrouvé et je ne peux m’empêcher de me rappeler quotidiennement la chance que nous avons eue malgré tout. Chaque petite réalisation me rend fière. Le chemin a été difficile et les traumatismes restent, mais avec le recul, le résultat est parfait et cette expérience (bien que j’aurais souhaité m’en passer) me permet d’apprécier et de savourer la vie plus intensément.

Je suis consciente que je n’ai pas eu le privilège d’avoir une belle grossesse, que mes enfants n’ont pas eu la chance d’avoir un début de vie facile et cela me touche énormément mais je suis aussi consciente du privilège que j’ai de les avoir dans ma vie et d’avoir leur amour quotidiennement.

Pour supporter la fondation du CHUL (unité néonatale)

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