Dans toutes nos relations sociales, y compris notre relation de couple et notre relation avec nos enfants, il est positif de développer notre capacité de discernement qui se présente, en fait, comme un jugement positif ou négatif sur les évènements et même sur les personnes. Mais parfois le jugement devient négatif.
Quand le jugement devient négatif
Le jugement devient négatif quand il se présente sous la forme d’une opinion froide énoncée avec notre tête sans tenir aucunement compte de ce que l’on ressent dans notre cœur et dans nos sensations. Quand il se présente sans grande observation de notre part, comme une opinion qui semble définitive et arrêtée au sujet d’un évènement ou d’une personne. Quand il s’énonce en critique dure et accusatrice rendant l’autre responsable d’un malaise que l’on ressent. Quand il accable l’autre avec cette responsabilité placée à l’extérieur de soi. Quand il est formulé en reproche invalidant la position de l’autre et mettant de l’avant sa propre position comme l’unique vérité. Quand il culpabilise l’autre et surtout, quand il porte des conclusions définitives sur la valeur globale de l’autre. Or, quand il y a accusation, il y a une étape de réflexion sur soi qui n’a pas eu lieu, une étape où on se demande pourquoi on éprouve cette émotion difficile? Quel besoin est insatisfait? Est-ce que l’ampleur de l’émotion correspond à la réalité de la situation? Est-ce que des blessures antérieures sont éveillées sans que ces blessures concernent la situation actuelle? Qu’est-ce que l’on demande à l’autre que l’on pourrait se donner soi-même en prenant plus la responsabilité de son ressenti? On sait que l’accusation et le jugement négatif transforment négativement la relation.
Ce que l’accusation et le jugement génèrent dans la relation
L’accusation et le jugement génèrent une résistance bétonnée. Ils mettent la personne interpellée sur la défensive. Celle-ci peut se braquer et éprouver du ressentiment. Elle se ferme alors au dialogue dans la relation. Elle peut même, à son tour, passer à l’attaque en faisant des reproches et en énonçant des critiques. On est alors partis dans une spirale conflictuelle sans fin qui engendre parfois des conflits insolubles.
Y a-t-il une voie de sortie?
Oui, il y a une voie de sortie. Mais elle exige beaucoup des partenaires de la relation, que l’on pense à la relation de couple, à la relation parent-enfant ou à toute autre relation. Elle exige de poser un nouveau regard sur l’autre. Elle exige d’adopter une nouvelle position relationnelle. Elle exige aussi que les partenaires de la relation soient disposés à échanger sur le sujet de la mésentente. Quel est ce regard? Quelle est cette position?
La position nouvelle occupée pour emprunter la voie de sortie demande que l’on s’inscrive dans un processus d’acceptation des différences que certains appellent le processus de différenciation. Pour se réaliser pleinement, toute personne vit ce processus de la naissance à la fin de vie. Devenir soi-même, s’accomplir comme être humain, se réaliser en faisant des choix constructifs en étant pleinement responsable de son destin: telle est la tâche de développement de tout être humain! Le processus de différenciation est un processus actif et continu de définition de soi, de révélation de soi, de clarification des limites et des frontières entre soi et l’autre, soi et l’environnement. Certains ne trouvent pas cette voie de sortie et n’ont pas entrepris cette démarche solitaire, mais combien satisfaisante. Ils ne s’inscrivent donc pas dans ce processus de différenciation.
Un nouveau regard
Au lieu de juger de manière positive ou négative en énonçant des positions arrêtées et définitives, la personne qui chemine pour se différencier et devenir de plus en plus elle-même, est consciente que tout est en processus, rien n’est définitif! Et il faut constamment observer attentivement la réalité (intérieure et extérieure) avec curiosité et intérêt, avec les yeux du cœur et avec bienveillance. Développer un regard qui permet de se connecter avec le ressenti de l’autre, qui essaie de voir la relation avec les yeux de l’autre. Un regard qui permet de voir aussi de manière honnête comment on nourrit la dynamique relationnelle.
La réalité est fluide et changeante. Ressentir intimement ce que les situations font émerger en soi et développer un regard compréhensif, ouvert, empathique, descriptif de ce qui est observé et ressenti. Telle est la voie de sortie! Un regard qui ne se fonde pas uniquement sur ce que l’on pense avec notre tête. Un regard qui, fondamentalement, apprécie l’identité des personnes en respectant leur processus de différenciation, avec ses hauts et ses bas, ses essais et erreurs. Avec ce regard humain, nul besoin d’accuser et de juger de manière négative.
Que fait-on alors lors d’un conflit?
Le processus de différenciation engendre nécessairement des conflits puisque des différences importantes sont perçues dans la manière d’envisager les choses, peu importe ce que sont ces choses. Et quand la différence se pointe, on passe le test! Car il y a une confrontation de points de vue.
C’est à ce moment précis que la nouvelle position et que le nouveau regard qu’elle suscite sont d’un grand secours. Les personnes peuvent alors parler, chacune à leur tour, de ce qu’elles observent, ressentent et comprennent en étant écoutées et entendues par l’autre. Elles peuvent parler en « Je ». (Voir à ce sujet un article paru dans viedeparents.ca « L’accusation de l’autre : source de conflits »). Elles savent intuitivement que le « Je » et le « Tu » sont différents. Chaque personne est alors considérée selon son point de vue, sans jugement ni accusation. Elles cheminent pour accepter davantage les différences. Elles se savent engagées dans un processus qui évoluera pendant toute la durée de la vie. Alors, elles ne demandent pas à l’autre de correspondre à leur idéal. Elles ne leur demandent pas de se présenter comme « un produit fini ». Elles ne demandent pas non plus « la perfection ». Elles ne forcent donc pas la note pour que l’autre donne plus que ce qu’il est capable d’offrir dans la relation à ce moment-ci de son processus de différenciation. En développant davantage leur autonomie, elles acceptent plus les différences de points de vue et demandent moins la similitude. Elles n’accusent donc pas et ne jugent pas de manière négative. En psychologie, on parle « d’acceptation inconditionnelle ». Plusieurs penseurs s’appuient sur cette attitude (Carl Rogers, Thomas Gordon pour n’en nommer que quelques-uns).
Conclusion
Les accusations, dénonciations et les jugements ont tout leur sens sur le plan juridique. Cependant, dans la vie courante, quand il n’est pas question de situations abusives, ces attitudes peuvent empoisonner l’existence et rendre certains conflits insolubles. Il suffit parfois de réviser sa position pour se sortir de l’accusation et du jugement négatif et de développer ainsi un regard humain plus acceptant des différences et plus compréhensif face au processus de différenciation que vit chaque personne.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
Par Myriam Bouchard - 21 juillet 2017
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