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Âge maternel : l’impact sur la fertilité et la grossesse

Selon le Livre Guinness des Records, la femme enceinte la plus âgée qui aurait conçu naturellement sans recours aux techniques de procréation médicalement assistée avait 59 ans!

Avec l’évolution du statut de la femme dans les sociétés occidentales, l’accès aux études supérieures et le désir de carrière professionnelle (en plus de la généralisation des méthodes de contraception), le Canada est passé au cours des 150 dernières années d’une société à fécondité forte à une société où les femmes ont moins d’enfants, et ce, à un âge de plus en plus avancé. Si l’âge moyen des mères à la première naissance était d’environ 24 ans jusqu’au milieu des années 1970, l’âge moyen à la maternité a dépassé les 30 ans depuis 2010. De nombreux couples vont retarder l’arrivée des enfants pour acquérir une stabilité financière, et les avancées fulgurantes des technologies de la reproduction et des traitements de fertilité permettent aux femmes d’avoir accès à la maternité à des âges de plus en plus avancés, au-delà de la quarantaine. Aujourd’hui, un tiers des femmes ont plus de 35 ans pour leur première grossesse.

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Comment l’âge de la femme affecte sa fertilité?

Si cette évolution a du sens dans le contexte socio-économique actuel, elle est toutefois limitée au niveau biologique dans la mesure où la fertilité reste restreinte par l’âge, majoritairement au niveau de la réserve ovarienne qui s’épuise avec les années qui passent. Effectivement, les capacités reproductives des femmes commencent à décliner avant que la ménopause soit atteinte, ce qui va de pair avec l’augmentation du risque de grossesses non viables. Avant 40 ans, la fertilité féminine diminue de manière modérée, mais chute drastiquement par la suite. On parle d’un risque de stérilité à 60 % pour les 40 ans et plus.

La procréation médicalement assistée permet à certains couples de concevoir malgré les difficultés à avoir une grossesse naturelle, mais son efficacité diminue rapidement avec l’augmentation de l’âge maternel, et le taux d’échec des FIV double entre 35 et 42 ans.

Le risque d’anomalie chromosomique associé à l’âge maternel

Avec le temps, la probabilité que les ovules présentent des anomalies dans les chromosomes augmente significativement à partir de l’âge de 35-40 ans, ce qui diminue les chances de conception et augmente le risque de fausses couches. Ce risque est expliqué par un certain mécanisme de sélection naturelle du corps de la femme, qui décide de ne pas mener à terme une grossesse qui pourrait être trop sévèrement affectée par des changements chromosomiques importants. Cependant, ce mécanisme de sélection n’est pas parfait, et des anomalies des chromosomes peuvent être présentes dans une grossesse en développement. Cela explique par exemple que les femmes enceintes de 40 ans et plus ont un risque significativement plus élevé de porter un fœtus affecté par la Trisomie 21, qui est l’anomalie des chromosomes la plus fréquente.

Il faut noter que la présence d’anomalies congénitales décelées à l’échographie du 2e trimestre est également à risque plus élevé même en absence d’une anomalie chromosomique, et cette augmentation du risque concerne notamment les anomalies cardiaques et les pieds bots.

Quel est le seuil à partir duquel une grossesse entre dans la catégorie « âge maternel avancé »?

Nous savons que de manière générale, les risques d’avoir des difficultés en termes de fertilité et de présenter des complications obstétricales augmentent progressivement avec l’âge maternel. Cela dit, le seuil n’est que théorique et évolue avec les changements démographiques et les nouvelles technologies. La génération précédente considérait les femmes de plus de 35 ans à âge maternel avancé, mais aujourd’hui le seuil se situe plutôt vers 37-40 ans selon les nouveaux critères de risque. Il faut toutefois garder en tête que le corps de chaque femme évolue de manière unique!

Quels sont les risques au cours d’une grossesse pour les mères en âge avancé?

Le processus de la grossesse est un moment de forte vulnérabilité pour la femme et les risques diffèrent selon les stades de la grossesse :

  • Au cours du premier trimestre, il existe un risque doublé pour les fausses couches, ainsi que pour les grossesses extra-utérines pour les femmes de 40 ans et plus. On note également trois fois plus de grossesses multiples, dont un quart serait expliqué par le recours aux traitements de fertilité.
  • Au deuxième et au troisième trimestre, on rapporte un risque triplé de problèmes d’hypertension et de pré-éclampsie qui peuvent constituer un risque significatif pour la survie de la mère et du bébé. La présence de protéine dans les urines et les vertiges et nausées peuvent être des signaux d’alarme qu’il ne faut pas ignorer. Aussi, le risque de développer un diabète gestationnel est plus important, et on note presque dix fois plus de complications obstétricales associées à un placenta praevia. Ce terme signifie que le placenta se trouve au niveau inférieur de l’utérus et pourrait provoquer une obstruction du col.
  • À l’accouchement, les études montrent une multiplication par trois des césariennes pour les femmes de 40 ans et plus par rapport aux femmes de moins de 35 ans. Le poids de naissance est statistiquement plus faible, et il y a un risque significativement plus élevé pour que l’accouchement se produise avant le terme et donne naissance à un bébé prématuré.
  • Dans la période post-partum, le risque d’évènements thrombo-emboliques est plus élevé.

Quelles sont les alternatives et options pour prévenir ou prendre en charge au mieux certains de ces risques?

  • Préservation des ovules
    Pour pallier à ces limitations, certaines jeunes femmes qui ne se sentent pas prêtes à concevoir ou qui n’ont pas trouvé leur partenaire décident de plus en plus de congeler leurs ovules avant la mi-trentaine afin de pouvoir les utiliser plus tard lorsqu’elles voudront devenir mère.
  • Don d’ovule
    Les femmes qui n’auraient pas congelé leurs ovules et qui ne parviennent pas à avoir une grossesse alors que leur âge est avancé peuvent aussi décider de procéder à un don d’ovule provenant d’une donneuse plus jeune. Cela permet aussi de réduire le risque d’anomalies chromosomiques. De plus, bonne nouvelle : la capacité de l’endomètre à recevoir l’embryon n’est pas affectée pas l’âge!
  • Fécondation in vitro (FIV)
    La FIV est une technique de procréation médicalement assistée qui permet d’augmenter les chances de conception lorsque les couples expérimentent une situation d’infertilité. Elle permet de procéder à la fécondation dans un environnement contrôlé qui vise à maximiser les chances d’avoir une conception et une implantation viable.
  • Diagnostic Pré-Implantatoire (DPI)
    Les couples qui seraient dirigés vers le processus de Fécondation in vitro pour pallier à leurs problèmes de fertilité peuvent désormais demander l’option du DPI, ce qui consiste à réduire le risque de transférer un embryon porteur d’anomalies chromosomiques, et donc d’augmenter les chances de grossesse viable lors d’une tentative de transfert.
  • Dépistage prénatal (DPN)
    Lorsqu’une grossesse se produit (naturellement ou par le biais d’une technique de procréation médicalement assistée), il est recommandé à toute femme d’avoir accès à un test de dépistage prénatal afin d’évaluer le risque spécifique pour les trisomies fréquentes. En plus d’une prise de sang dosant les marqueurs sériques ou analysant l’ADN fœtal, il est indiqué de procéder à une échographie du premier trimestre qui permettra la mesure de la clarté nucale et la détection des anomalies congénitales majeures. Il faut garder en tête qu’une femme de 40 ans ou plus qui reçoit un résultat à risque faible à 1/10 000 pour la Trisomie 21 suite à son dépistage prénatal n’a pas de risque plus élevé pour cette anomalie qu’une femme plus jeune avec le même résultat.

En conclusion

Face à toutes ces informations, il est important de garder en tête que de nombreuses femmes âgées de 35 ans ou plus vivent des grossesses et des accouchements sans complication et donnent naissance à des bébés en parfaite santé!

De plus, il existe une différence au niveau des risques dans le cas d’une première grossesse par rapport à une seconde ou troisième grossesse. La clé de toute grossesse en santé, quel que soit l’âge se résume à un bon accompagnement (sage-femme, médecin de famille ou obstétricien), un monitorage régulier et une prise en charge rapide à la moindre alerte.

Claire Bascuñana, MSc, CCGC

Conseillère en génétique en fertilité et diagnostic prénatal à la clinique ovo

Références

http://www.em-consulte.com/en/article/195918

https://secure.cihi.ca/free_products/AIB_InDueTime_WhyMaternalAgeMatters_F.pdf

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