Pas faite pour la quarantaine
Je vais vous dire la vérité drette là, pis les chances sont que je passerai pour un monstre. Je ne suis pas faite pour être une mère à temps plein. Moi, jouer avec un enfant en âge préscolaire, ça m’ennuie au-delà des mots.
En fait, je n’ai jamais été une enfant moi-même. J’avais 5 ans que je dessinais, au restaurant avec mes parents qui soupaient avec des amis qui eux n’avaient pas d’enfants, je dessinais des portes-monnaies. Je vous explique : le jeu que je m’étais inventé consistait à dessiner un porte-monnaie en papier, et à le garnir avec de l’argent, des cartes de crédit.
EN VEUX-TU UN JEU D’ADULTE, EN V’LÀ.
Fait que moi, l’enfance, je connais comme pas ça. Je peux vous dire que ça m’a rentré dedans en maudit de le réaliser alors que j’avais mon propre enfant, que j’aime plus que tout au monde. Alors que son père, éducateur qui s’ignore, adorait inventer des milliers de jeux imaginaires, moi, je jasais avec mon bébé de 6 mois comme s’il était un adulte.
Alors, moi, là, la quarantaine confinée avec mon chum et mon enfant de deux ans et demi, je vais être le monstre qui le dit : je suis pas faite pour ça.
Pourquoi? Parce que mon travail me valorise. Là, je me sens bonne. C’est déguisée en princesse à essayer de faire une voix amusante pour distraire mon enfant que je me sens pourrie.
Chaque journée de confinement me rappelle à quel point je ne suis pas cette mère qui allaitait dans un arc-en-ciel. Cette mère qui attend avec impatience la liste de la garderie avec mille idées de jeux constructifs et éducatifs qui feront de mon enfant un mini Edgar Fruitier avant la fin du printemps. Cette mère qui s’amuse à déguiser des toasts en animaux exotiques avec des fruits séchés.
JE NE SUIS PAS LUDIQUE.
Je lève les yeux au ciel chaque fois que, dans un souper d’amis, quelqu’un propose qu’on joue à un jeu. Pourquoi ne pas jaser de nos émotions? Croyez-moi, je préférerais parler de comment on fait des enfants en long et en large avec tous les vrais termes avec mon enfant plutôt que de devoir maintenir une discussion en langage inventé avec lui deux minutes.
La quarantaine me fait sentir poche. Je ne suis sûrement pas la pire mère ni la meilleure, mais c’est pas dans ce rôle-là que je me sens bonne. Je me sens comme « ben correcte ». Pis les compliments, c’est quand je travaille que j’en reçois. Mon enfant me fait rarement de félicitations. Je suis sensible comme une feuille au vent, alors je me gère, mais quand il me dit qu’il ne veut rien savoir de tous les repas que je prépare pour lui, ben j’ai envie de pleurer. Jugez-moi tant que vous voulez, mais je suis confinée de toute façon, vos microbes et vos jugements restent à ma porte!
Je vous écris aujourd’hui, au cas où d’autres monstres comme moi existent. Toutes ces mères qui aiment leurs enfants, mais ne capotent pas à l’idée de les côtoyer 24 heures sur 24 et se sentent mal… je suis là pour vous! En fait, ça n’a rien à voir avec mon enfant lui-même, car je peux vous certifier que cet enfant est la perfection même (sans blague, il se lève à 8 h depuis le début du confinement, il n’a aucun défaut à mes yeux). Ça a tout à voir avec le fait d’être mère. Rien avec lui en tant que personne. C’est mon besoin de solitude (je suis auteure et enfant unique, ma vie en entier est fondée sur le besoin que j’ai de passer du temps seule chaque jour).
High five les monstres comme moi, on va s’en sortir!