« Où es-tu maman? » est le titre du livre publié aux Éditions Du Rocher (2025) écrit par Olivia Maurel. C’est un cri du cœur lancé à sa mère porteuse logée aux États-Unis, alors que ses parents adoptifs vivent en France. Son témoignage est émouvant et bouleversant. Il nous amène à nous questionner sur la place de l’enfant dans ce débat social sur les mères porteuses.
Au Québec et ailleurs dans le monde
Au Québec, on vient de légiférer en 2024 pour encadrer cette pratique appelée « Gestation pour autrui » (GPA). Le Canada fait partie des pays où c’est légal de vivre une telle expérience et de combler son désir d’enfant en faisant appel à une mère porteuse. Même si en 2023, à Casablanca et en 2024, à Rome, plus de 75 pays se sont prononcés officiellement pour l’abolition universelle de la gestation pour autrui dans la Déclaration de Casablanca solennelle. Depuis, Olivia Maurel milite pour la Déclaration de Casablanca, exprimant haut et fort toute la douleur qu’elle a endurée tout au long de son parcours, en ressentant intuitivement et viscéralement un sentiment d’abandon permanent. Et cela, même si elle a découvert à l’âge de 30 ans la vérité sur ses origines. Crise d’identité, anxiété, troubles psychologiques ont sillonné son cheminement.
Se soucier de l’enfant
Dans le projet pour devenir parents en faisant appel à une mère porteuse, se soucie-t-on du vécu réel de l’enfant? A-t-il une place dans le processus? Malheureusement, la réalité nous révèle qu’il n’y a aucune étude au Québec et au Canada portant sur le devenir psychologique, affectif et comportemental des enfants issus des mères porteuses. Alors, on légifère en adoptant des lois sans connaître et sans considérer le vécu de l’enfant. Et on pratique la gestation pour autrui sous une aura de progrès, d’ouverture et d’altruisme. Or, on est en droit de se poser la question : où est la place de l’enfant?
L’enfant vit l’expérience de l’abandon
Olivia Maurel nous convainc dans son témoignage que l’expérience de l’abandon peut faire très mal! Comme si le corps savait la vérité et qu’il avait enregistré cette expérience. Quand on pense que l’abandon de l’enfant d’une mère porteuse est programmé, prémédité et intentionnel. Comment construire son identité en étant coupée de ses racines?
L’adoption laisse des traces indélébiles
On sait que l’adoption laisse des traces indélébiles pour plusieurs enfants. L’adoption pose des enjeux identitaires sérieux : qui suis-je? Qui sont mes parents? Qui sont mes frères et sœurs? Pourquoi m’a-t-on abandonné? Certains enfants grandissent avec l’instinct du saumon, comme on appelle cette volonté de retourner à ses racines, à l’origine de la vie, pour consolider son identité. Est-ce que la GPA tient compte de ce vécu potentiel? Est-ce que les enfants sont protégés? Est-ce que la construction de l’identité est assurée? Olivia Maurel répondrait « non » à toutes ces questions!
La mère de gestation laisse des traces
La mère de gestation imprime une marque sur l’enfant qui est ineffaçable. Ainsi, les repères sensoriels vécus pendant 9 mois laissent des traces. Comment l’enfant vivra-t-il ce détachement précoce et abrupt de sa mère? Comment vivra-t-il cette coupure drastique et cette séparation avec ses repères de confiance? Comment vivra-t-il cette déchirure avec ses racines? Ces questions sont importantes à considérer pour faire de la place à l’enfant que l’on désire accueillir en ce monde. Olivia Maurel a trouvé là les conditions réunies pour une crise identitaire sérieuse.
Les enfants qui s’adaptent et ceux qui ne s’adaptent pas
Certains enfants, dira-t-on, s’adaptent bien. Surtout si on a pris soin de leur raconter l’histoire de leur naissance et de leur conception. Et surtout, s’ils ont pu garder le lien avec leur mère porteuse.
Pour d’autres enfants, comme Olivia Maurel, l’adaptation ne se réalisera pas. Difficultés diverses comme l’alcoolisme, la toxicomanie, l’anxiété, etc. seront vécues tant l’expérience d’abandon les taraude. De l’aide professionnelle sera nécessaire.
Des avis d’organismes officiels
Dans ce débat, il est à noter que le Conseil du statut de la femme n’encourage pas cette pratique de la GPA, en considérant les risques pour la santé physique et psychologique des femmes. Nous nous intéressons particulièrement au vécu de l’enfant mais il demeure que, pour la mère aussi, il y a un impact. Et que dire du grand détachement dont elle doit faire preuve en abandonnant son enfant aux bras des parents d’intention?
Il est à noter aussi que la Chambre des notaires du Québec, notaires chez qui se transigent les contrats et les adoptions, ces mêmes notaires considèrent la pratique de la GPA comme un esclavage pour la femme et se soucient de l’expérience d’abandon vécue par l’enfant et des droits de l’enfant.
Par ailleurs, Olivia Maurel nous parle d’un droit fondamental de l’enfant : son droit à son identité. Droit qui est inscrit dans la Convention Internationale des droits de l’enfant de l’ONU, article 8.
Conclusion
La dignité humaine de l’enfant doit être respectée. On doit absolument se soucier du vécu des enfants issus des mères porteuses. Connaissant et comprenant ce vécu, on verra s’il y a lieu, comme Olivia Maurel le propose, d’abolir complètement et universellement cette pratique. Le désir d’être parents et le désir d’enfant ne doivent pas se vivre au détriment des droits humains de l’enfant et de sa mère. Actuellement, ici au Québec et au Canada, le phénomène existe et prend de l’ampleur. On parle même de 400% d’augmentation au Canada depuis 10 ans. On assiste à un choc de valeurs entre la place de l’enfant et de ses droits d’une part et le désir d’être parent d’autre part.
Par Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation
Référence
Olivia Maurel, Où es-tu maman? Éditions Du Rocher, 2025.