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Entre le monde virtuel et le monde réel

De nos jours, les écrans prennent beaucoup de place dans nos vies d’adultes. Il en est de même pour les enfants qui nous observent et suivent notre modèle. L’électronique s’est imposé dans nos vies depuis une vingtaine d’années, sinon plus. Les écrans prennent maintenant tellement de place qu’on en vient à s’alarmer et à penser à une crise de santé publique.

En effet, les recherches démontrent que la surexposition aux écrans occasionne chez les jeunes des problèmes accrus d’anxiété, de dépression, de mal de vivre, de troubles alimentaires variés, d’obésité, de suicide. Ce n’est pas peu dire! Ces problèmes adoptent une courbe ascendante inquiétante! Comme membres d’une société, il y a lieu de remettre en question nos pratiques ainsi que les modèles que nous offrons comme adultes aux enfants. Parce que la transmission a bel et bien lieu. Les enfants sont touchés par l’omniprésence des écrans dans leur vie. Ils développent une fascination et sont beaucoup attirés vers ces ressources.

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Les enfants ont-ils une vie?

Le monde virtuel occupe les enfants pour plusieurs heures par jour. Alors que la Société canadienne de pédiatrie nous oriente vers des limites claires à donner aux enfants, soit aucune exposition avant 2 ans, une exposition d’une heure par jour de 2 à 5 ans, une exposition de 2 heures par jour, pour les enfants de 5 à 11 ans. Or, aujourd’hui, les enfants de 6 à 12 ans sont exposés aux écrans plusieurs heures par jour. On peut se demander : en-dehors du monde virtuel et du cocon numérique qu’il crée, les enfants ont-ils une vie dans le monde réel? Vont-ils jouer dehors? Pratiquent-ils des sports? Profitent-ils du plein air? Prennent-ils le temps de manger en bonne compagnie? Prennent-ils le temps de dormir? Socialisent-ils dans le monde réel en rencontrant des personnes en chair et en os? Et quant aux adolescents et aux adultes, se déplacent-ils pour faire leurs achats ou achètent-ils en ligne? Sont-ils coupés du réel et de ce qui est organique?

 

Ressentir la sensation de frustration pour construire son identité

La sensation de frustration est fondatrice de l’identité de l’enfant. (Voir à cet effet l’article paru dans Vie de Parents : « Les troubles anxieux chez les enfants. Comment les prévenir? Comment accompagner? ») Or, le recours aux écrans crée des conditions où l’enfant est toujours comblé par de multiples images et revirements et actions qui le divertissent sans jamais le frustrer. Si une frustration se pointe, hop!, l’écran vient proposer une panacée, comme remède qui guérit toutes les angoisses. Pendant ce temps, cependant, les vrais besoins et désirs de l’enfant ne sont pas satisfaits : bouger, manger, dormir, socialiser dans le monde réel, prendre l’air, jouer en manipulant de vrais objets, créer avec son imaginaire, etc.

Il n’est donc pas surprenant qu’en vieillissant, un mal-être accru soit observé chez les jeunes, comme il est dit plus tôt. Il manque une composante fondamentale dans la construction de l’identité de l’enfant : la sensation de frustration qui engendre l’ennui qui vient projeter l’enfant vers l’action pro-active et créative pour combler le manque qu’il ressent.

 

Ressentir la sensation de manque et développer sa créativité

Comme il est dit dans l’article cité plus tôt, la sensation de manque est comparable à la case vide dans le jeu du pousse-pousse. Le vide permet de bouger les pièces pour construire une séquence qui a du sens. Sans cette case vide, point de mouvement. Point de jeu! Point de construction ! Le tout est figé.

Cette analogie vient illustrer le sens de la sensation de manque et la sensation de frustration dans la construction de l’identité d’une personne, enfant ou adulte. Pour bouger et se développer, pour construire sa vie avec sa créativité et son imaginaire, pour sentir son désir profond, nous avons besoin comme humains de ressentir ces sensations corporelles. Elles nous donnent l’élan vers le développement de notre potentiel et la réalisation de notre désir. « Réalisation » dans le monde réel, comme le mot le laisse entendre.

Comme la personne devant une page blanche, ou l’artiste devant une toile vierge, c’est le vide qui propulse en avant pour créer, pour le remplir. Ce qui s’écrit, se dessine, se peint, s’invente dans le monde réel sont des créations originales qui appuient la réalisation de soi, source de bien-être. Tout le contraire de ce que nous éprouvons quand nous vivons 12 heures par jour devant des écrans dans le monde virtuel. Là, pas de frustration, pas de manque, pas d’ennui. La stimulation trépidante est constante. Pas le temps de s’arrêter, pas le temps de se poser; toujours l’action virtuelle qui occupe l’esprit et divertit.

Les adultes sont nombreux à connaître ces expériences. Par exemple sur la route, il n’est pas rare de constater qu’aux feux de circulation, quand on est arrêtés, certains ne perdent pas de temps pour consulter leur cellulaire. De la même manière au restaurant, des personnes en présence l’une avec l’autre, préfèrent consulter leur téléphone et converser de manière virtuelle en utilisant leur cellulaire.

 

Encourager les enfants à s’investir dans le monde réel

Les exemples qui viennent d’être donnés démontrent bien que nous offrons parfois comme adultes des modèles de dépendance et d’addiction face aux écrans et face au monde virtuel qui suggère plein de ressources qui peuvent nous étourdir et nous dévier d’une présence dans le monde réel.  Un sérieux virage est à consentir pour encourager les enfants à s’investir dans le monde réel, en utilisant avec grande modération les écrans.

Socialiser avec de vraies personnes réelles. Devenir capable de percevoir le langage non-verbal d’une personne et développer son empathie. Vivre des moments en famille sans écrans. Colmater la coupure avec le réel en vivant des expériences enrichissantes dans la vraie vie.

Le mal-être des jeunes est préoccupant! Encourageons-les à s’investir et à vivre des projets dans le monde réel. Donnons-leur des balises pour ne pas qu’ils se perdent dans le monde virtuel.

Il faut noter que la pandémie n’a pas aidé les jeunes à s’investir dans le monde réel puisque tout était arrêté. La socialisation en direct était proscrite. Dans ces circonstances, enfants et adultes ont pris des habitudes de se référer aux écrans pour se faire une vie. Vient le moment de revoir nos choix et nos pratiques.

 

Jocelyne Petit, Docteure en Sciences de l’Éducation

 

Références

Société canadienne de pédiatrie, Michelle Ponti, Groupe de travail sur la santé numérique, Le temps d’écran et les enfants d’âge préscolaire : la promotion de la santé et du développement dans un monde numérique, 24 novembre 2022 (sur le Web).

Société canadienne de pédiatrie, Michelle Ponti, Groupe de travail sur la santé numérique, Les médias numériques : la promotion d’une saine utilisation des écrans chez les enfants d’âge scolaire et les adolescents, 2019 (sur le Web).

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