ARTICLE
Je contrôle, tu contrôles, il contrôle
Le contrôle! Notre société carbure au contrôle : marche à suivre pour si ou pour cela, méthodologie, cahier de suivi, signature pour prouver que vous avez lu, que vous approuvez, conditions d’utilisation…
Et nous faisons de même avec et pour nos enfants : je dois toujours te voir, mange pas si ou ça, pas de jeux comme si ou comme ça, pas le droit de toucher aux outils, aux couteaux de cuisine, lève la main, signe ici… Rentrer seul à la maison la clé autour du cou? N’y pense surtout pas!!!
L’école est devenue le repère absolu du contrôle. On compte les présences, on compte les absences, on fait des rangs, on s’assoit en rangées, on parle quand c’est le temps, on écoute quand c’est le temps, on s’amuse quand c’est le temps, on contrôle les apprentissages des enfants, on contrôle le contenu des enseignants, on comptabilise les notes. Et tout ça jusqu’en secondaire 5! Ils ont 17 ans et signent encore un papier pour aller faire pipi.
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J’entends les défenseurs du contrôle dire : « Mais c’est important! Pour savoir ce qui fonctionne ou pas! Pour avoir un CONTRÔLE sur ce que l’on fait! Et si nos enfants n’apprenaient rien? » L’horreur!
Mais qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté du contrôle? Dans cet espace si épeurant qu’on tente désespérément de fuir?
Eh bien, il y a, selon moi, la créativité. Parce que lorsqu’on lâche prise, on s’ouvre à l’inconnu, à l’infini des possibilités! Oui, bien sûr, dans l’inconnu il y a le chaos, l’excès, le débordement, l’ennui, le néant… Mais pas toujours! Et je tiens à rappeler que ça arrive quand même quand on tente de tout contrôler!
Je vous donne un exemple : nos enfants s’ennuient. Ils commencent à se plaindre que le temps est long. OH LA LA!! Vite, nous contrôlons la situation en leur proposant une activité. OUF, nous avons évité le pire, soit l’ennui ou le chaos dû à l’ennui… mais nous avons aussi empêché que l’enfant aille au bout de son ennui et trouve lui même un jeu (souvent tellement plus imaginatif que ce qu’on a proposé!). Nous prévoyons les vacances, les enfants suivent des cours, nous les entourons d’écrans et de jeux en abondance… Nous sortons les écrans lors de l’attente du repas au restaurant et l’on s’étonne que nos enfants ne soient pas patients.
Nos enfants sont surstimulés par du prémâché, du tout fait, des bricolages qu’il ne reste qu’à assembler, des activités qu’ils ne peuvent que regarder, des camps de jour où ils doivent avoir du plaisir et chanter fort, des éducateurs avant et après l’école qui les occupent…
Nous contrôlons. Parce que c’est plus simple. Parce qu’on risque moins de se tromper.
Oui, je dis « nous », car lâcher prise est un combat de tous les jours pour moi aussi. Nous avons tous des zones de notre vie que nous contrôlons davantage. Personnellement, je souhaite l’équilibre, parce que j’aime le chaos!
Nous avons besoin d’autant de chaos que de contrôle, d’autant de forme que de flou, d’instinct que de rigueur… Dans notre société, le contrôle a pris toute la place, comme une plante envahissante. Et pour ceux qui ont un tempérament plutôt chaotique, artistique et flou, quelle difficulté que notre société. Je souhaite qu’au lieu de les mettre dans une petite boîte facile à analyser, on puisse les écouter, leur offrir du temps où ils peuvent apprivoiser le chaos et créer dans l’infini.
Mais attention, je crois que si le flou domine ce n’est pas mieux. Je ne veux pas revenir à l’époque du Far West, abolir toutes les lois et les règles, faire des enfants des rois sans foi ni loi… Les règles, c’est bien aussi ; pour voir au bien-être de tous.
Mais j’aime croire que cet article pourra semer quelques parcelles d’inconnu dans votre quotidien.
Je vous souhaite de découvrir un ciel à couper le souffle, car vous avez décidé de lever la tête et de ne rien faire plutôt que ce que vous aviez prévu, de parler à un inconnu sympathique parce que vous lui aurez souri sans raison au détour d’un chemin pris par hasard, de rire aux éclats avec des gens que vous aimez durant une soirée improvisée.
Je souhaite à vos enfants de découvrir une nouvelle passion, un nouvel ami, de s’ennuyer jusqu’à ce qu’ils aient envie de faire quelque chose, de se rendre compte qu’ils sont capables de créer de grandes et de petites choses, qu’ils chantent ou qu’ils se taisent s’ils le veulent, en suivant leur rythme.
Gabrielle Néron
Fondatrice de Bâtir l’horizon et naturothérapeute en relation d’aide